La guitare est un instrument harmonique, c’est-à-dire que nous avons la chance de pouvoir jouer des accords ! Ça paraît être une évidence pourtant le travail des accords est souvent négligé. Souvent on en reste au premiers accords ouverts, les power-chords, les barrés, et … puis on s’arrête là !
C’est fort dommage car enrichir nos accords va nous permettre de découvrir de nouveaux horizons en terme de jeu et de composition.
On associe souvent les accords de 4 sons (ou tétrades) au jazz ou à la bossa nova. Les accords à 3 sons (ou triades) restent associés à la pop et aux chansons. Cet article va vous intéresser que vous fassiez du jazz ou non.
En effet on trouve de plus en plus de façons d’intégrer les accords à 4 sons (et plus) dans les musiques actuelles (la pop, mais également le rock progressif). Pourquoi ne pas rajouter des accords du jazz à vos compos ?
Les accords du jazz vont non seulement vous amener à 1) une plus grande connaissance du manche de la guitare, mais également 2) vous permettre de rajouter des sonorités différentes à votre jeu.
Mais plutôt que de vous donner des formes d’accords sans véritablement comprendre comment cela fonctionne, je vous propose plutôt d’essayer de voir les accords comme le ferait un pianiste de jazz. En effet le pianiste n’aura pas des « formes » d’accord. Il semble qu’ils arrivent toujours à trouver de nouveaux accords en évitant la répétition.
1) Un peu de théorie
Généralement un article qui parle des accords commence par un long exposé type « comment forme-t-on un accord? ». Tonique, tierce, quinte, septième, oui mais que fait-on avec ça?
Plutôt que de vous donner une énième explication, on va parler de ce qui compte dans un accord. Bref ce qui fait qu’un accord a de l’importance et ce qui en fait sa spécificité.
Les notes les plus importantes d’un accord sont les tierces et les septièmes des accords. Grâce à ces deux notes, on a l’essence d’un accord. Qu’est ce que ça veut dire ?
Cela veut dire :
1- La tierce et la septième seront les fondations qui feront sonner mes accords : donc je dois les connaître et les travailler en priorité.
2- On peut se débarrasser des autres notes et on aura quand même l’harmonie du morceau.
3- Les tierces et septièmes vont être le squelette sur lequel je vais pouvoir rajouter d’autres couleurs (les extensions : 9ème, 11ème, 13ème)
Et là vous allez me dire : Pourquoi?
Excellente question. Pour illustrer cela, voici la cadence que l’on retrouve dans 90% des standards de jazz : le II V I. Dans la tonalité de Do Majeur, ça va nous donner: Ré mineur7 (IIème degré mineur), Sol 7 (Vème degré dominant), C majeur7 (Ier degré Majeur).
L’exemple 1 vous montre une façon de jouer ces accords de manière basique.
L’exemple 2 vous montre ce que donne les accords avec seulement tierces et septième, on appelle ces notes des tons-guides (« guide tones » en anglais).
Observez qu’entre le Ré mineur 7 et le Sol 7, nous avons le Do qui devient Si (soit la 7ème de Ré qui devient la tierce du Sol). Puis entre le Sol 7 et le Do Majeur 7, le Fa devient un Mi (soit la 7ème du Sol 7 qui devient la tierce du Do).
La 1ère chose à faire ça sera d’être capable de jouer les accords simplement avec les tierces et les septièmes. Les pianistes font souvent cela pour accompagner leur solo : la main gauche (main qui accompagne, habituellement) fera des accords avec des tons-guides, alors que la main droite fera un solo avec des lignes mélodiques.
Voici un exemple avec les 8 premiers accords du standard « Autumn Leaves » (ou les « Feuilles Mortes » en français)
Ex 3 : ce sont les accords que vous connaissez déjà peut être, et c’est ceux que tout guitariste de jazz apprend en premier.
Ex 4 : voici la version avec tierces et septièmes.
L’idée est de pouvoir faire cela sur n’importe quel standard ou suite d’accords.
Et là vous allez me dire « oui, mais je m’attendais à avoir des super accords enrichis et je me retrouve avec 2 notes !? »
Tout d’abord, ces « accords de 2 notes » sont très utiles pour :
–jouer avec un bassiste (vous ne doublez plus la basse!)
–accompagner un pianiste (grâce à cette texture au milieu des cordes, il y a aura moins de sons parasites qui risquent d’interférer avec la tessiture du piano)
–avoir des repères sur le manche afin de pouvoir ensuite créer nos accords enrichis
–accroître votre connaissance du manche et vous donner des repères pour improviser en jouant chaque accord.
Comment travailler cela intelligemment ?
-Bien repérer la tierce et la septième des accords.
–Travailler lentement en repérant visuellement et se fiant à ses oreilles : qu’est-ce qui change, qu’est ce qui reste?
Bien sûr vous pouvez jouer ces tierces et septièmes à d’autres endroits du manche, mais il est vrai que les cordes du milieu sonnent le mieux. Votre premier challenge est déjà de les apprendre à cet endroit du manche.
Quelle est la prochaine étape ?
2) Rajouter des extensions, ou comment avoir de beaux accords facilement.
On va rajouter des extensions aux accords : les 9ème, 11ème et 13ème. Ce sont toutes ces jolies notes qui enrichissent les accords. Tout d’abord, on va rajouter ces extensions à nos tierces et septièmes, puis on va remplacer carrément remplacer ces tierces et septièmes par des extensions !
9ème, 11ème, 13ème, qu’est-ce que c’est?
C’est tout simplement les notes que l’on peut rajouter aux accords en dehors de la tonique (ou fondamentale, ou encore la basse tout simplement), la tierce, quinte et septième. Nous avons :
-
La 9ème :
1 octave + 1, donc pour Do ça sera Ré, car Do, Ré, Mi, Fa, Sol, La, Si, Do, Ré
1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
-
La 11ème :
1 octave + 4, en Do ça sera Fa, car Do, Ré, Mi, Fa, Sol, La, Si, Do, Ré, Mi, Fa
1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11
-
La 13ème :
1 octave + 6, en Do ça sera La : Do, Ré, Mi, Fa, Sol, La, Si, Do, Ré, Mi, Fa, Sol, La
1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13
Note : Pourquoi ne dit-on pas la « deuxième », « quatrième », « sixième »?
On considère qu’on a déjà dans la première octave l’accord : tonique, tierce, quinte, septième, les extensions se placeront dans l’octave d’après. (C’est une explication simplifiée, il y a d’autres enjeux mais ce n’est pas le propos de l’article… et ne vous inquiétez pas, ça ne va pas vous empêcher de jouer de la guitare)
La prochaine question logique sera :
Comment rajouter des extensions aux accords ?
Voici un petit guide pour savoir quelles extensions rajouter à quels accords :
Majeur(7) : 9, #11, 13
Mineur(7) : 9, 11, 13
7ème de Dominante : b9, 9, #9, 11, #11, b13, 13
mineur 7, quinte bémol : 9, 11, b13
Cela veut dire que, par exemple, sur un accord Majeur ou Majeur7, je peux rajouter la 9ème, la #11 ou la 13ème en plus de ma tonique, tierce, quinte ou septième. Dans la majorité des cas, ça sonnera.
*Notez qu’on va trouver d’autres extensions qui sonneront de manière encore plus dissonantes : la #5 sur un accord Maj7 voire des #9 sur des accords Maj7. Testez si vous voulez sortir des sentiers battus ! (vous pouvez écouter par exemple l’intro de Somnarium du groupe Animal as Leaders pour un accord Maj7#5).
Voici des schémas pour vous aider à repérer vos extensions sur le manche.
L’idée importante ici c’est que vous devez penser vos relations à partir de la corde de Mi grave (E), ou La (A). Il est important de visualiser les relations. Comme tout se transpose à la guitare, il suffit de monter ou descendre d’une case (ou plusieurs) et la relation restera la même.
Si vous avez du mal à repérer vos notes sur le manche, voici un autre article qui peut vous aider.
Comment travailler cela ?
–prenez une basse, puis jouez une des extensions au hasard, essayez d’entendre la couleur (b9, 9, #11…) puis repérez visuellement la note.
–repérez dans les accords que vous connaissez déjà ces extensions (ou regardez les exemples donnés dans l’article)
En reprenant l’exemple d’Autumn Leaves :
Dans l’exemple 5, j’ai simplement rajouté des extensions aux accords en me basant sur les extensions que je pouvais utiliser.
Sur le Do min 7 : la 11ème remplace ici la quinte.
Sur le F7 : la tierce répétée est devenue une neuvième.
Maintenant essayez de repérer vous même les notes qui ont changé en vous référant aux schémas avec les extensions (indice : le nom de l’accord va vous aider, mais c’est important de repérer soi même ces extensions pour pouvoir les placer quand on le souhaite)
Dans l’exemple 6, j’ai enlevé sur le EbMaj7 et le A-7b5 tierces et je les ai remplacées par une extension.
Sur EbMaj7#11 : une des tierces a été remplacée par la #11. La note caractéristique du mode lydien, et également la note qui fera sonner vos accords Maj7 en ajoutant une dose de mystère :).
Sur le A-7b5 : on a remplacé la 3ème par la 11ème. Le demi ton entre le Ré (sur la corde de Sol) et le Mi bémol (sur la corde de Si) crée une dissonance intéressante.
Dans l’exemple 7, on a enlevé la basse afin de ne jouer que sur les cordes les plus aigües. Bien sûr l’idéal est de jouer cela avec un bassiste, ou simplement enregistrer (voire chanter) les fondamentales des accords et jouer les accords par dessus.
Dans cet exemple, les tierces et septièmes sont en « bas » (dans les « graves ») et les extensions sont en haut (dans les « aigus »)
Dans l’exemple 8, je suis allé encore plus loin : j’ai remplacé certaines tierces ou septièmes par des extensions. L’idéal est encore de jouer ces accords avec un bassiste . Vous remarquerez que c’est un son plutôt « moderne », ce genre d’accords se retrouvent surtout chez les guitaristes de la scène new-yorkaise. Il y a aussi des écarts au niveau des doigts assez exigeants. Faites bien attention.
3) S’inspirer du jazz : comment appliquer les extensions aux powerchords?
Pour terminer, je vous propose d’appliquer ce concept à tous vos accords. En commençant par l’accord du rock par exemple : le powerchord.
Dans l’exemple 9, je suis parti d’un simple power chord, et j’ai rajouté la 9ème. Ce type de sonorité s’entend de plus en plus dans les groupes de metal, rock progressif et dérivé emo. Cet accord est très versatile car il fonctionne pour un accord majeur ou un accord mineur car il n’y a pas de tierce.
L’exemple 10 va un peu plus loin où j’ai rajouté une #11. L’accord sera donc plutôt majeur. Le dernier accord est une variante et vous serez amené à jouer un barré.
Dans l’exemple 11, on part d’une progression basique : C G D (sorte de « Sweet Home Alabama » à l’envers!). On a rajouté des cordes à vide, des 9èmes et même une #11.
En conclusion, je vous invite à expérimenter avec ces extensions et ces accords. Vous avez les clés pour commencer à explorer votre manche et découvrir d’autres sonorités. Si vous suivez les exemples de cet article, à n’en pas douter vous allez avoir envie d’aller plus loin, la prochaine étape sera de trouver soi même de nouveaux accords.
N’hésitez pas à laisser vos questions dans les commentaires !
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