Lorsqu’on débute la guitare on se retrouve face à des diagrammes de toutes sortes : des accords, des gammes, des arpèges… d’abord un ou deux, et puis au fur et à mesure, on se retrouve face à des dizaines et des dizaines de nouvelles choses à mémoriser.
Pour ma part je me rappelle encore ce moment de profond découragement le jour où un prof a posé devant moi quelques photocopies issues d’un dictionnaire d’accords « les accords essentiels à connaître« , ou quelque chose comme ça… Je me suis alors demandé :
- 1) Comment allais-je me souvenir de toutes ces informations ?
- 2) Combien d’années cela allait-il me prendre avant de jouer un morceau?
Au final, j’ai pris peur et je n’ai eu que 2 cours avec ce prof. Réaction complètement stupide, je dois bien l’avouer plusieurs années après.
Je souhaite vous éviter cela.
Et surtout je souhaite qu’à la fin de cet article vous n’ayez plus peur d’apprendre et de mémoriser. J’ai vraiment à coeur qu’en finissant cet article vous soyez mieux armés et prêts à tout apprendre. Mémoriser en musique est une faculté essentielle : mieux vous mémoriserez, mieux vous jouerez.
Il y a beaucoup d’information à digérer ici, le plus important est d’essayer d’appliquer au moins une idée le plus rapidement possible : après la lecture de cet article, mettez en place tout de suite au moins une petite action. Si quelque chose ne vous parle pas aujourd’hui, alors laissez tomber, ça n’a aucune importance. Passez du temps sur ce qui vous parle.
Guitare, facile ou difficile à mémoriser?
Comme toujours : un peu des deux! Ceci est lié, en partie, à la nature de l’instrument : on peut jouer les mêmes notes à des endroits et avec des doigtés différents, et ça, c’est le challenge. Mais, bonne nouvelle, l’instrument étant très visuel, il suffit de décaler la forme pour être dans la bonne tonalité, c’est ce qui fait que cela simplifie (le mot est faible) la transposition. Au delà de ces 2 aspects, il y a une autre partie que vous pouvez améliorer : votre capacité à mémoriser.
Avant de vous parler de la mémorisation de morceaux entiers (tout un programme en soi, je réserve le traitement de ce sujet à un futur article), je veux vous parler de chaque petit « bloc d’information » qui constitue votre connaissance du manche de la guitare : l’apprentissage des notes, des accords, des arpèges (triades et tétrades).
Pour ma part, j’ai toujours voulu élargir mon vocabulaire d’accords, connaître plus de positions de gammes, tout ça dans le but d’être plus libre – une référence dans ce domaine là est très certainement Ben Monder. Je trouve cela très gratifiant de pouvoir jouer le même accord à des endroits différents. Cela ouvre le champ des possibles et donne une palette plus large à votre jeu.
Un des problèmes pour de nombreux guitaristes c’est de se baser exclusivement sur la mémoire musculaire/visuelle. Dans cet article je vous explique comment améliorer votre capacité de mémorisation à la guitare en évitant cet écueil.
Note importante : contrairement à des articles sur comment mieux avoir une meilleure mémoire pour « réussir vos études », « apprendre tous les idéogrammes chinois » ou « retenir les dates anniversaires de tous les membres de votre famille », la guitare c’est un peu différent – voire complétement différent sur certains aspects. Le plus important à comprendre, c’est que ce que vous voulez développer, c’est une mémorisation profonde.
C’est là où les techniques pour mémoriser rapidement en vue d’un examen ou pour mémoriser des chiffres ou du vocabulaire constitue une approche différente : ici vous impliquez votre corps, vos sens, votre sensibilité. Bref, vous devez pouvoir accéder à votre connaissance du manche de manière intuitive.
Contrairement au fait de retranscrire une information sur du papier, le lien kinesthésique que vous avez avec la guitare fait que vous devez être capable de créer des réflexes à la guitare.
Sans être un spécialiste de la mémoire ou un neurologue :), je partage ici mes connaissances issues de mon propre apprentissage et aussi sur différents tests menés sur mes élèves au fil des années. À vous de les tester !
Les 3 principes d’une bonne mémorisation
Avant de rentrer dans des techniques spécifiques d’apprentissage et de mémorisation à la guitare, je pense qu’il est important de rappeler quelques principes génériques :
- L’implication : pour retenir une information, vous devez vous impliquer le plus possible. Si ça ne vous intéresse pas, votre mémoire ne la retiendra pas, c’est aussi simple que cela.
La première étape est d’être bien clair sur l’objectif de cet apprentissage :
Pourquoi voulez-vous jouer cet accord ou apprendre d’autres gammes/arpèges? Quelle sera l’utilisation concrète de ces informations?
Réfléchissez 20 secondes à ces questions la prochaine fois que vous voulez apprendre quelque chose.
Si vous ne pouvez pas répondre à cette question, c’est probablement que ce que vous voulez apprendre n’est pas forcément ce qui est le plus utile pour vous aujourd’hui.
Je vous dis cela afin que vous gagniez du temps : si vous apprenez plein de nouvelles choses mais que vous ne savez pas vous en servir, cela peut (peut être) vous servir sur le très long terme, mais ce n’est pas le meilleur « retour sur investissement » de votre temps… aujourd’hui. En effet, inutile de passer des heures à apprendre plein de nouveaux accords compliqués, si vous ne maîtrisez pas les accords de base. Inutile d’apprendre le mode « lydien b7 » dans 12 positions, si vous ne connaissez pas les modes majeurs, etc.
Bref : avant de vouloir en apprendre plus, il faut dans la mesure du possible « prioritiser » son apprentissage, en partant toujours des fondations. Votre implication sera d’autant plus importante, et votre capacité de rétention de l’information sera meilleure si vous avez une vision claire de ce que vous cherchez à accomplir.
- L’association : Une des façons efficaces pour apprendre quelque une nouvelle information, c’est de l’associer à un morceau que vous apprenez ou que vous connaissez déjà.
Ainsi pour apprendre un « La mineur », vous pouvez l’associer au premier de « Angie » des Rolling Stones ou au premier accord de « Karma Police » de Radiohead.
Apprendre un accord Majeur 7(9) ? Pensez au premier accord de « Girl from Ipanema« .
Un accord 7 ? Rien de plus simple, prenez un accord d’un blues.
Un accord mineur 7b5 ? Le premier accord de « Stella by Starlight« .
etc…
Bien sûr, associez vos propres références! Vous allez pouvoir aussi associer ces accords avec leur sonorité, ce qui en fera un excellent repère pour votre oreille.
- La répétition : connaissez-vous la règle des 10 000 heures? C’est l’idée selon laquelle il faut passer 10 000 heures pour maîtriser un sujet. (Si vous ne connaissez pas l’ouvrage de Malcom Gladwell, « Outliers: The Story of Success« , lisez-le, non seulement, il y a de bonnes idées, mais ça se dévore comme un excellent roman)
Par contre, dans les 10 000 heures, on ne précise pas toujours ce que l’on fait : à mon sens, une bonne partie de ces 10 000 heures se passe à répéter les mêmes gestes et les mêmes activités, à chaque fois un peu mieux.
Ça paraît évident (pourtant quand on regarde comment certains guitaristes en herbe pratiquent, croyez moi, ça ne l’est pas!), mais incluez toujours un moment de répétition dans tout ce que vous faites.
(Si ces questions de mémorisation vous intéressent je vous recommande le blog Potion de vie.fr, où vous trouverez une mine d’information).
La question qui fâche
Maintenant que ces fondations sont données, entrons dans le vif du sujet, en commençant par aborder une question qui divise les guitaristes :
Mémoriser des diagrammes est-ce une bonne chose ?
Oui et non.
C’est tout à fait singulier dans l’apprentissage de la musique : utiliser des « dessins » pour représenter la musique alors que sur de nombreux instruments on apprend tout simplement à lire les notes d’une partition.
Comme une première approche, je pense que les diagrammes sont très utiles. La raison étant que quand on commence la guitare, il y a tellement de choses à mettre en place (main droite, main gauche, le fait que les notes soient placées de manière un peu anarchique) que penser seulement par notes peut être un gros challenge, et vos risques d’abandon sont plus grands.
Comme seule approche, non. S’appuyer que sur la seule mémoire musculaire ou visuelle n’est pas une bonne stratégie car :
1) Vous apprenez plus lentement. Attendre que la simple répétition d’un geste conduise à sa mémorisation, c’est parfois comme se taper sa tête contre un mur pour espérer le casser… ça fonctionne, mais y’a mieux quand même.
2) Vous passez à côté de beaucoup d’informations utiles : Quel est le nom de ces notes? Quelles sont les relations de ces notes entre elles (intervalles)? Est-ce que j’arrive à entendre dans ma tête les sons de ces notes sans avoir recours à ma guitare?
Si vous avez une mémoire visuelle, utilisez votre point fort, mais que vous ayez ou non une mémoire visuelle, voici quelques stratégies qui vont vous permettre de mieux mémoriser :
Les 7 façons de mémoriser à la guitare (ou comment devenir soi-même un dictionnaire d’accords)
Comment pratiquer et tout retenir?
Comment être sûr que le temps que vous passez à la guitare soit bien utilisé?
L’idéal est d’utiliser les différents moyens d’aborder un même accord, gamme ou autre :
- Répéter : Oui répéter est très important. Oui répéter est très important… 🙂
Mais le plus important ici est de bien répéter :
1- Surveillez votre doigté : Un mauvais doigté est une des premières raisons qui vous empêche de bien jouer. Pour pallier ce problème, vous avez plusieurs choses à faire : demander à quelqu’un de vérifier, et/ou être plus attentif soi même sur ce que vous apprenez.
La prochaine fois qu’une partie d’un morceau « ne passe pas », demandez vous simplement : « est-ce que mon doigté est le bon? »… vous verrez cette simple question peut vous aider considérablement.
Il n’y a pas de règle absolue, et cela dépend beaucoup du morceau que vous travaillez. Gardez en tête que des déplacements inutiles ou des combinaisons de doigtés compliquées sont les causes premières de ces mauvais doigtés. Parfois il faut chercher un doigté plus logique. Trouver un doigté plus logique vient avec le temps et l’expérience.
2- Devenez une tortue : la deuxième erreur est d’essayer de jouer trop vite avant d’avoir bien assimilé à tempo lent. Si vous répétez rapidement une erreur, vous vous entraînez seulement à jouer la même erreur… mais plus rapidement.
Vous n’êtes pas en train de corriger quoi que ce soit. (ça paraît évident dis comme ça, mais surveillez vous la prochaine que vous travaillez quelque chose … !
Commencez toujours lentement et étant sûr de ce que vous faites à bas tempo.
Règle d’or : Commencez 50% plus LENT que ce que vous croyez être lent.
Je vous dis cela par expérience : ce que les guitaristes débutants appellent lent n’est pas lent, c’est tout au plus un tempo medium. « Lent » signifie vraiment décomposer note à note en faisant bien attention à un maximum de détails.
3- Espacez les répétitions : plusieurs théories/méthodes (notamment dans l’apprentissage des langues voir Leitner) appuient l’idée que la mémorisation a lieu grâce à une répétition dans le temps.
Autrement dit répéter 5 fois d’affilée quelque chose et répéter cette même chose 5 fois d’affilée sur 1 mois n’aura pas du tout la même valeur.
Plutôt que d’avoir un système très compliqué – que vous n’allez pas suivre -, voici une idée de système de travail : -Prenez une suite d’accord (Dm7 G7 CMaj par exemple) ou une gamme (la 2ème position de la gamme pentatonique par exemple)
1ère et 2ème semaines :
-Répétez au moins 5 fois tous les jours cette suite d’accords ou cette gamme à bas tempo (= pour que vous ne fassiez pas d’erreur)
3ème et 4ème semaines :
-Idem mais tous les 2-3 jours, en augmentant progressivement le tempo.
5ème semaine et plus :
-Révisez une fois par semaine cette information jusqu’à ce qu’elle fasse partie de votre connaissance de l’instrument. N’hésitez pas à repartir d’un tempo bas pour revenir à un tempo plus élevé.
Évidemment tout ceci est schématique : c’est le principe qui est à comprendre ici. N’essayez pas de compter au jour près, vous allez perdre du temps et de l’énergie. Gardez en tête cette idée que vous devez revoir régulièrement le matériel vu et cela dans le temps afin de l’entretenir.
Ceci m’amène à un autre point essentiel: comment se rappeler que je dois répéter ceci ou cela ?
Premièrement, il est préférable d’avoir un petit nombre de choses à apprendre et d’essayer de bien le mémoriser avant de passer à la suite. Surtout essayez de mettre en pratique aussi vite que possible ce que vous venez d’apprendre : un nouveau renversement d’accord? Hop je le place dès que je peux dans mon morceau préféré. Une nouvelle gamme ? Super, j’essaye de l’utiliser dans mes impros… aujourd’hui. L’idéal est d’avoir une petite « rampe de lancement« , qui vous permette d’utiliser l’information aussi vite que possible.
Ensuite, c’est à vous de créer votre propre système pour réviser. Un moyen simple est de créer un moment dans chaque session de travail, où vous révisez. Cela peut être un jour dans la semaine dédiée aux révisions. Cela peut être un moment de la journée (le matin, le soir avant de dormir…)
Voilà déjà quelques techniques très simples, mais que 90% des gens n’exploitent pas pleinement : les connaître en théorie mais ne pas appliquer ces techniques, c’est comme ne pas les connaître !
Si vous appliquez déjà tout cela (félicitations!) voici d’autres techniques pour aller plus loin.
Les concepts suivants cherchent un même objectif : que le même matériau (gamme, accord, …) soit abordé d’une autre façon, afin que vous puissiez l’assimiler d’autant mieux.
C’est comme rajouter des canaux « input » supplémentaires dans votre mémoire profonde.
Imaginez que l’apprentissage était jusqu’alors en « 2 dimensions », désormais il sera en « 3 dimensions et + » !
4- Pensez par note :
Eh oui sur la guitare, il y a des notes :). Les bénéfices de cet apprentissage sont nombreux et ce n’est pas aussi difficile que vous le croyez :
- 1er bénéfice : votre cerveau (donc votre mémoire) va travailler différemment. Plutôt que de visualiser un diagramme ou de répéter un même geste, vous allez aborder cette information d’une autre façon. Cela va créer un autre lien pour faciliter la mémorisation.
- 2ème bénéficie : vous allez pouvoir utiliser cette information comme un élément musical : « ah donc, cet accord de Cmaj7 peut se jouer aussi à la 5ème case, intéressant. » Vous allez voir des connexions de plus en plus nombreuses entre musique, théorie et pratique. Vous allez aussi développer une meilleure connaissance de votre instrument, ce qui peut être un atout par exemple en improvisation (mais pas seulement, un peu partout en réalité !)
Comment faire ?
Par exemple pour l’arpège de C Majeur 7, dire à haute voix « C E G B ». C’est tout simple. Bien sûr vous pouvez compliquer en commençant par la septième (7, 5, 3, 1) ou en sautant des notes (1, 5, 3, 7 par exemple). À vous de tester !
Ici vous avez la gamme de C : essayez de voir chaque note sur le manche via leur nom de note plutôt que par la simple position du doigt sur la frette. Si vous ne savez pas comment trouver les notes du manche, j’ai écrit des articles à ce sujet, il suffit de cliquer ici et ici.
5- Pensez par degré :
Dans le même ordre d’idée : plutôt que de penser un accord comme un bloc de notes, il est important de le penser comme un ensemble par rapport à une tonique (ou une basse).
par exemple pour C Majeur 7, dire à haute voix « Tonique Tierce Quinte Septième (T 3 5 M7) ». Mais également de trouver la neuvième, onzième (dièse), treizième.
Ceci est carrément indispensable, à mon sens, pour être plus libre en improvisation. Cela vous donne un contrôle sur les notes, mais aussi sur l’importance des notes : car une tierce va apporter une information harmonique plus importante qu’une quinte dans une improvisation.
Ici vous avez la même gamme, mais vu avec des intervalles. Voir la même information sous un autre angle va booster votre mémorisation de cette gamme.
Vous n’avez maintenant plus qu’à adapter cette technique à tous vos apprentissages : gammes, arpèges, renversements d’accords, etc…
6- Chantez les notes sans l’instrument :
Voici un élément vraiment clé pour mémoriser plus facilement. Si vous ne retenez qu’une seule chose de l’article, alors c’est cette information, … prêt ? 🙂
Une des raisons qui font que vous avez du mal à mémoriser est toute simple : vous n’avez pas mémorisé l’information sans votre instrument. (Cette idée est très très importante, même si elle paraît simple, relisez la 2 ou 3 fois pour bien comprendre les implications.)
Autrement dit, si je vous demande de chanter ce que vous essayer de mémoriser, il y a de fortes chances pour que vous n’en soyez pas capables. Le son de ce que vous apprenez n’est pas encore fixé dans votre mémoire profonde.
En conclusion : Prenez l’habitude de chanter tout ce que vous jouez. Vous devez être capable de chanter la mélodie que vous jouez sans votre guitare. La guitare n’est que l’instrument qui permet d’exprimer la mélodie qui est déjà en vous (oui, je sais ça a l’air très lyrique dit comme ça mais pourtant ça marche).
Si cela concerne des accords, il suffit de chanter la basse de l’accord ou d’arpéger l’accord.
7- Visualisez sans l’instrument :
En fermant les yeux (optionnel) et en ne prenant pas la guitare, vous imaginez le manche de la guitare et la forme qui correspond. Imaginez le son ou la couleur de l’accord (ou ce à quoi cet accord vous fait-il penser, par exemple le premier accord de votre morceau préféré). Bien sûr vous pouvez complexifier en imaginant le nom des notes et des relations (tonique, tierce, quinte, septième…)
C’est une étape parfaite à faire quand on a quelques secondes devant soi et qu’on ne sait pas quoi faire (dans une file d’attente, dans les transports, en marchant …).
Un programme concret pour mettre tout ceci en place
Comment travailler ces différents points de manière effective?
Testez les différentes approches et retenez ce qui marche pour vous. C’est là où « se connaître soi-même » est essentiel.
- Vous pouvez par exemple :
- répéter 5 fois un diagramme « visuellement »
- puis répéter 2 ou 3 fois en pensant par note
- puis 2 ou 3 fois en pensant par degré
- enfin chanter 5 fois la séquence
Vous pouvez tester aussi :
jour 1 – répéter le diagramme visuellement
jour 2 – chanter les notes
jour 3 – jouer et nommer les notes
jour 4 – jouer et nommer les degrés
Rinse & Repeat
Vous pouvez tester différents ordres également ou différents moyens d’apprendre les diagrammes.
Je me répète : ces moyens sont utilisés pour créer différents liens entre l’information, et ainsi renforcer votre mémorisation, qui ne résidera plus dans la seule mémoire d’un diagramme, mais bien dans un système complexe où voir une note c’est : un son, un doigté, un élément harmonique, une idée, etc…
Personnellement je ne suis pas fan d’un programme de travail « rigide » (ça ne marche pas vraiment chez moi), j’aime plutôt que ces concepts soient inclus dans ma pratique de manière presque inconsciente. Bref, de privilégier une approche plutôt qu’une autre selon le contexte : je peux très bien passer du temps à chanter un arpège car je ne l’entends pas très bien, et inversement, je peux passer beaucoup de temps à répéter un même doigté via un diagramme pour un renversement d’accord.
Rappelez vous que but « ultime » est de se débarrasser de tout ça pour ne plus voir que des mélodies potentielles et être libre sur le manche.
Une chose très importante : Ne vous laissez par intimider par le nombre des techniques. Surtout ne croyez pas qu’il faille toutes les suivre pour avoir des résultats. Si toutes ces techniques vous paraissent un peu « too much » (comme la visualisation), prenez en une, testez la et constatez les résultats (ou l’absence de résultat). Par exemple, si vous ne connaissez pas encore les notes du manche, ce n’est pas grave (enfin si, un peu quand même 😉 ), vous sautez cette étape (pour le moment), ou mieux, cela vous donne une bonne raison de commencer. Ultimement, il ne faut pas se décourager, mais patiemment se remettre à l’ouvrage jour après jour. Je sais que c’est plus facile à dire qu’à faire, mais si vous arrivez à appliquer au moins une de ces techniques, vous aurez déjà un peu avancé, et c’est ce qui compte.
Deux exercices ultra simples pour mémoriser tous vos accords
Voici un exercice tout simple pour faire retenir un accord :
- la technique de la main dans la poche !
Prenez un accord, exemple Do majeur (C) en haut du manche.
Maintenant, grattez cet accord, puis enlevez votre main du manche. Enlevez la totalement, vous pouvez même la mettre dans votre poche, si vous le souhaitez :).
Essayez de retrouver la position le plus rapidement possible. Au tout début, ça sera un peu laborieux. Mais faites le régulièrement, vous verrez que ça marche.
Pour corser le tout, vous pouvez mettre un clic (métronome) et décider que vous allez jouer sur le premier clic l’accord, puis le second clic, vous allez retirer votre main, sur le 3ème, vous rejouez l’accord.
Important : vous devez vraiment enlever votre main du manche, et non pas simplement laisser la main « en suspension » à 2 centimètres du manche.
L’intérêt de l’exercice ? Répéter le processus qui permet de retrouver l’accord rapidement. En isolant ce paramètre et en le répétant, vous allez augmenter grandement vos chances de retenir cet accord.
Voyez cet exercice comme un jeu. À travers ce jeu, vous allez mettre en place plusieurs mécanismes vous permettant de retenir tel ou tel accord : quels doigts utiliser, quelle position du pouce, comment placer les doigts rapidement, comment retrouver les bonnes cases etc…
Puis vous pouvez tenter ceci avec quelque chose de plus élaboré, comme les renversements des accords :
- Voici un autre exercice pour faire retenir un enchaînement d’accord : la technique du pivot.
Cet exercice vise à pallier la difficulté suivante :
Ayez un doigt pivot : un exemple avec Sol (G) et Ré (D) (diagramme à faire). Le but est d’avoir un doigt sur lequel vous vous concentrez comme point de départ, qui relie 2 accords. Ce doigt sera votre pivot.
La technique est simple :
-Jouez le premier accord.
-Choisissez un point de repère visuel (le point noir sur le diagramme)
-Placez votre doigt en premier sur ce repère visuel ou gardez le quand vous changez de position.
-Ajoutez les doigts suivants… « Tada ! »
Il ne reste plus qu’à répéter l’opération plusieurs fois jusqu’à ce que vous n’ayez plus besoin de ces astuces.
Que faire si aucun doigt n’est en commun? Cela fonctionne aussi, votre repère ici (point noir toujours) c’est simplement la note à la basse. En gros vous focalisez votre attention au début sur cette note en priorité, et une fois placé, les autres doigts suivent. Il est beaucoup plus facile d’avoir un premier repère puis de placer les autres doigts que d’avoir tous les doigts à placer en même temps.
Conclusion
Apprendre le manche de la guitare ainsi que tous vos accords, gammes, arpèges est un processus très long… voire quasi infini. Si une vie ne suffira pas à tout apprendre, une des approches les plus intéressantes pour moi a été et reste de voir comme une exploration. Je vous invite à essayer d’intégrer ces éléments dans votre musique tout de suite.
Plutôt que de voir des « exercices », essayez de trouver tous les prétextes possibles pour mémoriser un élément supplémentaire chaque jour afin que tout ceci reste un jeu.
Si vous avez d’autres techniques de mémorisation, dites moi tout dans les commentaires !
—
Ressources
- Le livre de Joshua Foer, « Aventures au coeur de la mémoire« , et plus connu avec son titre original « Moonwalking with Einstein ».
- Le Blog Potion de vie
Excellent article Cyriaque, merci bien ! Je partage sur FB 😉
Dans la même veine d’idée : il existe le système CAGED.
Tu as préconisé de faire des associations entre les 5 sens (voir la position les yeux fermés, entendre le son sans jouer, chanter les notes, …). J’ajouterais que pour en retenir d’avantage, plus facilement, on peut associer les informations. Comment ? De la même manière qu’on retient un numéro de tél. Je m’explique :
Quand on lit le numéro (fictif) 0198765432, on pense 01 98 76 54 32 et non 0 1 9 8 7 6 5 4 3 2.
En regroupant et catégorisant 5 groupes de 2 chiffres, on facilite la mémorisation. (Dans mon exemple, puisque les chiffres se suivent, on regroupera même encore plus. C’est-à-dire en 2 groupes « 01 » et « 9-jusqu’à-2 ».
Ce type de mémorisation fonctionne aussi en musique, on peut regrouper de la même manière :
Tes lecteurs connaîtront peut-être déjà, mais pour nous les guitariste il existe donc ce « système CAGED ». Au lieu d’apprendre toutes les positions d’accords pour chaque note. On n’en apprend que 5 qui se transposent sur tout le manche et sur toutes les tonalités.
googlisez > système CAGED 😉
Salut Clément, merci pour ton commentaire!
Oui le système CAGED est un bon système de repérage !
Il y a une chose sur laquelle je vais insister par la suite : c’est le fait de travailler en fonction de sa personnalité. Pour ma part, ton système de chiffre me parle surtout dans le repérage de grilles (Blues-jazz au hasard : I / IV / I / I / IV / #IV° / I / VI / II / V / I …), moins pour l’apprentissage de gammes par exemple. Mais je sais que chez certains ça fonctionne, par exemple, repérer des gammes en comptant des intervalles fonctionne pour des esprits logiques-mathématiques :).
Bref il faut tester et surtout voir ce qui marche pour soi.
Yep, tout à fait ! En ce qui me concerne, pour apprendre les gammes, c’est plus simple de les retenir en tétracordes (2 groupes de 4 notes, donc).
Les apprendre en intervalle n’a jamais fonctionné pour moi ^^
intéressant! Quelles tétracordes ?
Grandiose ce post. Merci Cyriaque. JF
Merci JF 🙂
Le plus simple pour expliquer serait de te linker une image. Je me permets de mettre un lien ici si tu es d’accord : http://www.lecompositeur.com/wp-content/uploads/2016/02/asstetra.jpg
On peut voir la chose de deux manière :
– D’une part, chaque mode est constitué d’une addition de deux tétracordes bien spécifiques. C’est l’astuce que j’utilise pour retenir facilement les intervalles d’un mode.
– D’autre part, en combinant deux tétracordes donnés on peut construit un mode, diatonique ou pas. Par exemple en combinant deux tétracordes « triton » dans l’image, on peut retrouver le mode ton par ton.
Pas mal non ? 🙂
Ok cool, merci Clément !
Il y a tellement de façons de voir l’harmonie.
Pour les modes, j’utilise des astuces simples :
prendre les triades IV et V du mode et changer la basse.
ex : D dorien = F/D et G/D
ou alors prendre une structure constante avec un accord maj7#11.
ex : FMaj#11/A = A éolien par exemple
Article très intéressant!
On parle souvent en musique de techniques, gammes,accords mais peu de la mémorisation qui est pourtant une chose hyper importante.
La mémorisation est un de mes points faibles surtout pour retenir les grilles des standards. On joue tellement mieux quand on connaît par coeur mais c’est difficile de garder la concentration, la peur du trou noir, surtout quand un morceaux fait 32 mesures. Ca fait 32 éléments à retenir, ressentir et le morceau s’oublie parfois vite si on ne le rejoue pas souvent. C’est très frustrant…Et toi, Cyriaque, comment tu mémorises les grilles? Merci d’avance.
Hello Damien, merci pour ton commentaire.
Question très pertinente. J’en ferai une vidéo. Mais en substance :
Simplifier la grille en repérant les cadences principales.
Si ta grille fait 32 mesures, alors peut être que tu peux repérer 4 ou 8 passages (cadences, « parties » AABA) … Et au lieu d’avoir 32 éléments à retenir, tu n’en as plus que 4 ou 8 :).
Ensuite quand tu as des cadences très rapides avec des successions de II V, tu peux juste retenir le V. Plein de petites choses comme ça qui vont te simplifier la mémorisation.
bref il faut essayer d’avoir une structure (ce que certains appellent la « deep structure »), un schéma du morceau. Même si tu as des petits oublis parfois ce n’est pas grave, car tu peux retrouver la trame globale.
Ensuite il n’y a pas de secret : il faut jouer, jouer et rejouer la grille des centaines de fois.
Un grand merci pour ton éclairage. Je n’avais jamais pensé à supprimer le II dans les II V sur des tempos très rapides. Je vais revoir mes grilles et essayer cela, ça sera une autre manière de penser qui va me prendre sans doute du temps car j’ai toujours essayé de viser chaque accord dans mes impros mais à des tempos très élevés ça devient vite compliquer.
Salut Cyriaque, peux-tu supprimer mon nom de famille que j’ai encodé par erreur dans le commentaire ci-dessus. Je tiens à garder l’anonymat. Merci d’avance 🙂
j’ai modifié ton nom, ça te va?
Super! Merci à toi 🙂