Pour inaugurer cette section « étude de style », j’ai décide de partager avec vous une transcription que j’ai faite d’un solo de Peter Bernstein. Si vous ne connaissez pas Peter Bernstein, je dirai qu’on peut le situer entre le jazz traditionnel type Wes Montgomery et le jazz un peu plus moderne (ie. notamment la scène new-yorkaise des années 90). Peter joue ici le fameux blues de Charlie Parker « Billie’s Bounce ».
Voici la transcription en pdf : Peter Bernstein Billie’s Bounce
L’enregistrement est tiré de l’album du Melvin Rhyne Trio « Mel’s Spell » (1995), avec Melvin Rhyne à l’organ, Peter à la guitare et Kenny Washington à la batterie. Vous pouvez écouter la version de Peter ici :
J’ai choisi ce solo pour plusieurs raisons :
1-le tempo : medium-up, que je cherchais à travailler, particulièrement la notion de time feel et de croches à ce tempo.
2-le vocabulaire : mélange de clichés blues « traditionnelles » et phrases plus inhabituelles. J’ai particulièrement été impressionné par la cohérence des phrases de P. Bernstein : il arrive à mêler une approche traditionnelle avec une esthétique plus sophistiquée sans tomber dans un collage.
3-la narration et la construction du solo.
1. Tempo
Le constat que j’ai fait en transcrivant ce solo c’est l’idée qu’à ce tempo, les croches sont « droites », et c’est l’accentuation légère du médiator sur les croches en l’air qui donne la sensation de swing.
Je retiens aussi la variété rythmique des phrases : parfois ce type de tempo conduit certains solistes à jouer de manière peu imaginative, mais Peter Bernstein parvient à capter l’attention de l’auditeur.
-les phrases vont commencer/se terminer à différents moments de la mesure et P. Bernstein joue vraiment au travers des mesures (ex. mesures 8-9, 16-20, 45-47 etc.), ou comme on lit parfois « over the bar line ».
-les croches sont parfois jouées sur le « et » du temps et donnent un effet de « rebond » (ex. mesures 33, 55, 80-81)
2. Vocabulaire
Le vocabulaire est l’élément le plus notable de ce solo. Il y aurait beaucoup d’éléments à retirer, mais voici quelques thématiques :
-la triade augmentée sur les accords de dominante.
ex: C+ sur Bb7 soit b7, 9, #11 (mesures 30, 54 et 78)
–triades majeures ou mineures pour jouer les extensions des accords (ex: triade de G sur F7 soit 9, #11, 13, mesure 1 ; Ab- sur D7 altéré soit b9, #11, 13, mesure 32)
-utilisation du lydien dominant (mesure 1, 46 etc), soit une gamme dominante avec une quarte augmentée
-utilisation de grands intervalles par des groupements de séquences ex : b7-11-b7 (à l’octave) mesure 73-75 ou une séquence 1-5-9 (mesure 44).
3. Narration et construction
Pour moi, l’élément clé de ce solo est la narration : c’est-à-dire la capacité du soliste ici à construire un discours qui se développe au cours du solo. J’ai essayé de découper le solo en séquence pour essayer de retracer les moments clés.
-Les 2 premières grilles de solo, avec les 2 phrases « introductives » (mesures 1 et 12) qui ont pour point commun de partir des graves pour aller vers les aigus.
-3 ème grille, petit motif blues suivi de phrases qui vont rompre la monotonie des croches (mesure 33).
-Les 4 ème et 5 ème grilles délaissent le côté blues pour laisser apparaître des motifs et phrases plus longs et plus complexes harmoniquement (41-47). Fin de 4ème grille avec des motifs en triades descendantes (48-49), fin de 5ème grille avec une phrase conclusive qui ouvre sur un autre motif blues (mesures 61-64).
-7ème grille ouvre avec le motif le plus inattendu et surprenant, ce qui crée la plus grande tension. Le solo se termine sur un cliché (mesures 83-84). Puis quelques accords en quarte viennent conclure et relance rythmiquement la suite.
Bref, il y a beaucoup de choses à dire sur ce solo et je vous invite à le travailler !
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