L’improvisation à la guitare : le guide pour faire vos solos (1ère partie)

Kenny Burrell - photo de Tom Marcello
Kenny Burrell – (c) Tom Marcello

Improviser à la guitare c’est le chemin par excellence pour pouvoir s’exprimer personnellement et accomplir ce que tout guitariste (ou presque) qui commence rêve de faire : jouer des solos. Mais il n’y a pas une seule façon d’y arriver. On peut dire qu’il y a autant de façons d’improviser que de musiciens.

Je me rappelle plus jeune avoir regardé le DVD pédagogique de Brett Garsed « Rock Guitar Improvisation » et j’ai eu cette révélation : je me suis rendu compte qu’il improvisait tout et que ses solos n’étaient jamais écrits. Ce guitariste a cela d’intéressant qu’il aborde l’improvisation comme un musicien de jazz mais un contexte rock.

Mais comment peut-on improviser sur sa guitare des suites entières de notes à tel point qu’on a l’impression qu’elles sont entièrement écrites?

Faut-il attendre d’avoir plusieurs années de guitare derrière soi pour commencer à le faire?

Quel est le processus qui permet d’arriver à jouer quelque chose en partant de rien ? (mais part-on de rien?)

Dans cet article, nous tenterons de démystifier l’improvisation en vous proposant un parcours étape par étape à suivre afin de ne pas être perdu et de savoir ce qu’il faut apprendre.

Même si l’art de l’improvisation est un long processus, accéder au plaisir de l’improvisation est quelque chose qui peut se faire rapidement. Cette joie ne sera que décupler et développer par la pratique.

Tout d’abord il est essentiel de définir les termes.

Qu’est-ce qu’improviser ?

Il y a plusieurs types d’improvisation :

_l’improvisation « totale » ou « libre ». Dans cette catégorie, on peut autant mettre le free jazz (Cecil Taylor dans Unit Structures par exemple), The Köln Concert de Keith Jarrett (un disque à connaître), ou certaines prestations de Sylvain Luc (et tant d’autres) en concert solo (si vous n’avez jamais entendu Sylvain Luc seul à la guitare, il est nécessaire de le faire rapidement!)

 

Tout compositeur est improvisateur au moment où il compose. Ici l’improvisateur compose de la musique en temps réel. Il n’y a pas de contexte/consigne à respecter.

_l’improvisation modale. C’est improviser à partir d’un mode ou d’une gamme (exemple Milestones, So What de Miles Davis, Impressions de John Coltrane). Plus précisément : en mettant en valeur certaines notes de ces gammes pour « décrire » le mode en question.

_l’improvisation tonale. C’est improviser sur plusieurs accords ou dans un contexte harmonique qui exprime une ou plusieurs tonalités (un Blues, un standard de jazz, à peu près toutes les chansons de pop, etc)

Il y a d’autres formes, ou d’autres façons d’envisager ces 3 options (en effet on peut mixer l’improvisation tonale et modale dans un même morceau par exemple).

Comment l’improvisation est-elle liée aux solos de guitare de nos idoles?

Un solo écrit (Stairway to Heaven de Led Zeppelin) ou improvisé (tous les solos de jazz ou presque) ont comme point commun qu’à la base ce sont des improvisations. Jimmy Page a commencé par improviser son solo jusqu’à en retenir ce qui, pour lui, est la meilleure expression de son improvisation. En quelques sortes il a « figé » son improvisation.

Dans tous les cas, que vous vouliez jouer des solos écrits ou non, il faut savoir que le fait de travailler l’improvisation va beaucoup vous apporter.

Que vous fassiez du jazz ou du rock, ou n’importe quelle autre musique, le fait de savoir improviser sera très bénéfique : vous allez développer votre technique, votre identité de jeu, votre connaissance du manche, etc.

Peut-on travailler l’improvisation? Si oui, est-ce toujours de l’improvisation?

Oui et non.

La meilleure analogie pour l’improvisation c’est celle du langage. Quand vous parlez, vous improvisez avec ce que vous connaissez déjà. Vous n’inventez pas la grammaire et les mots (vous pouvez en inventer, mais c’est assez rare, et vos interlocuteurs n’apprécieraient pas que vous réinventiez tous les mots et la grammaire lorsque vous leur parlez!). Par contre vous « inventez » en temps réel, le contenu et la manière dont vous le dites.

De la même façon, improviser c’est souvent utiliser le vocabulaire que l’on a déjà. Son organisation est improvisée, mais le vocabulaire (les notes, les rythmes, etc) est connu. Les mélodies qui ressortent de vos impros peuvent par contre être toujours spontanées et même si elles se ressemblent (comme lorsque vous parlez, vous utilisez souvent les mêmes phrases), elles sont improvisées.

Voilà donc un concept essentiel : improviser c’est utiliser librement l’ensemble du savoir que l’on a déjà à son instrument.

Certains vont plus loin : dans « Improviser OS », Wayne Krantz développe l’idée selon laquelle on peut improviser en ayant le minimum de chemin prédéterminé (plans ou « licks », gammes, procédés harmoniques, phrases idiomatiques, phrases que l’on répète à chaque impro, schéma prédéterminé de « comment faire ce solo »). L’image qu’il utilise est la suivante : plutôt que se contenter d’un seul papillon, il préfère le relâcher et attendre un autre qui sera plus beau, ou différent, ou qui l’émerveillera plus.

Nous pouvons noter que même si on a des plans ou des phrases ou des « trucs », on peut quand même s’exprimer. Le meilleur exemple est certainement Charlie Parker : il connaissait le vocabulaire au point où ses improvisations sonnaient comme très spontanées, alors qu’il y avait un énorme travail de maturation de ce vocabulaire.

La seule chose à retenir est la suivante : quand vous improvisez, vous devez essayer de raconter une histoire. Quand on se met dans cet état d’esprit de jouer quelque chose comme si on racontait une histoire (avec un début, un milieu, une fin), nos improvisations sonnent mieux et sont plus susceptibles de toucher l’auditeur.

Comment commencer et par où commencer ?

Cet article va vous décrire un parcours, à vous d’approfondir en fonction de vos envies et objectifs.

Attention ce n’est pas le seul possible ! Certains s’arrêtent à certaines étapes et se spécialisent dans un secteur, d’autres procèdent de manière totalement différente :

1. Apprendre la gamme pentatonique et improviser sur un Blues.

Cela permet de se faire plaisir rapidement. Certes le blues est extrêmement riche, et ce n’est pas qu’une pentatonique, mais certains s’expriment de manière incroyable avec cette seule gamme.

-Comment ça marche ? Vous avez un blues en C, vous pouvez utiliser la pentatonique mineure de C.

prérequis : connaître la gamme pentatonique (Il y a 5 positions de cette gamme à la guitare, mais vous pouvez déjà commencer par une seule position).

2. Jouer « modal » sur un nombre limité d’accords (commencer par un ou deux).

L’idée est de se focaliser sur la note caractéristique du mode.

Exemple : Am7>D7, jouer A dorien

D-7 > jouer D dorien ou D éolien

Le mode dorien est joué sur un accord mineur et se définit par sa tierce mineure et sa sixte. Sur Amin7, la note F# sera caractéristique de cette gamme.

prérequis : connaître la gamme majeure et les modes associés.

3. Jouer dans une tonalité.

Il faut comprendre comment trouver une tonalité et quelle gamme correspond avec cette tonalité.

-Comment ça marche ? Lorsque vous trouvez la tonalité d’un morceau ou d’une suite d’accords, vous pouvez jouer la gamme de cette tonalité. Un morceau en C Majeur, vous pouvez jouer la gamme de C sur tous les accords de cette tonalité (certaines notes vont moins « marcher » que d’autres mais dans globalement votre solo « collera » à la tonalité). Un morceau en Sol bémol majeur, vous pouvez jouer la gamme de Sol bémol sur tous les accords de cette tonalité et ainsi de suite.

Pour trouver dans quelle tonalité on se trouve, c’est simple il suffit de 2 choses :

3.1 comprendre comment une tonalité majeure s’organise

Une tonalité majeure s’organise harmoniquement (en terme d’accord) de la manière suivante :

Ier degré : accord Majeur / Majeur 7

IIème degré : accord mineur / mineur 7

IIIème degré : accord mineur / mineur 7

IVème degré : accord Majeur / Majeur 7

Vème degré : accord Majeur / Dominant 7

VIème degré : accord mineur / mineur 7

VIIème degré : accord diminué / mineur 7, bémol 5

Pour prendre un exemple : C majeur

Ier degré : C Majeur / Majeur 7

IIème degré : D mineur / mineur 7

IIIème degré : E mineur / mineur 7

IVème degré : F Majeur / Majeur 7

Vème degré : G Majeur / Dominant 7

VIème degré : A mineur / mineur 7

VIIème degré : B diminué / mineur 7, bémol 5

Donc si nous avons un de ces accords : nous avons des chances d’être dans la tonalité de C Majeur. Mais parfois des accords peuvent être dans plusieurs tonalités.

Si je prends Fa Majeur :

Ier degré : F Majeur / Majeur 7

IIème degré : G mineur / mineur 7

IIIème degré : A mineur / mineur 7

IVème degré : Bb Majeur / Majeur 7

Vème degré : C Majeur / Dominant 7

VIème degré : D mineur / mineur 7

VIIème degré : E diminué / mineur 7, bémol 5

Ainsi nous avons un F Majeur, un A min et un D min qui sont aussi dans cette tonalité, nous pouvons être donc soit en tonalité de C Majeur, soit en tonalité de F.

Comment savoir quelle est la bonne tonalité dans ce cas?

3.2 repérer les accords par « groupe » (ou cadence).

Prenons un exemple :

Nous avons les accords suivants : D mineur 7, G 7, C majeur 7, Amin 7.

D min 7 peut être un accord issu de C et de F.

G 7 n’appartient pas à la tonalité de F Majeur (car on a un Gmin7 en F) mais il apparaît dans C Majeur

C Maj 7 n’appartient qu’à Do 7

A min 7 appartient aux tonalités de C et F.

Conclusion : L’accord G7 indique que la suite d’accord ne peut pas être la tonalité de F. Ces 4 accords ne peuvent appartenir à aucune autre tonalité, par conséquent, cette suite d’accord est en C. Ainsi je peux improviser en C.

prérequis : connaître la gamme majeure et les 12 tonalités majeures associées.

Voilà pour cette première partie, vous avez déjà des pistes pour débuter en improvisation, n’hésitez à me dire dans les commentaires la façon dont vous avez appris à improviser !

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10 réflexions sur “L’improvisation à la guitare : le guide pour faire vos solos (1ère partie)”

  1. merci JF pour ton commentaire ! 🙂
    Je compte sur toi pour lire les deux parties et me faire part de tes questions

  2. Improviser modal ne veut pas forcement dire qu’il n’y a qu’un accord !

    il peut y avoir autant d’accords qu’on veut, a partir du moment ou ils n’obeissent pas au règles des degres et des cadence tonales…

  3. Je suis tout à fait d’accord avec votre commentaire. Effectivement la formulation était maladroite, je l’ai modifiée, merci !

  4. Article très intéressant! Je pense qu’il le serait encore plus si les ‘pré-requis’ emmènent vers un article où ces pré-requis sont décrits.

    Merci en tout cas !

  5. chapitre 3.2 il semble y avoir une erreur dans cette phrase :
    « D min 7 ne peut être un accord issu de C et de F. » ? ?

  6. Effectivement, merci du retour. Il y a une négation en trop. Dmin7 PEUT être issu des tonalités de C Majeur ou F Majeur.

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