Quand j’ai commencé la musique à l’adolescence, je pensais que pour devenir un bon musicien, il fallait déjà l’être : je croyais que c’était quelque chose d’innée – on l’avait ou l’avait pas.
D’ailleurs je me rappelle que cet état d’esprit m’a beaucoup ralenti au départ. Puis quand j’ai voulu progresser en musique, je me suis mis à me renseigner, à lire beaucoup d’interviews de musiciens célèbres, à me demander « mais comment font-ils?« .
Ensuite j’ai pris des cours avec des musiciens, parfois inconnus, d’autres plus reconnus. Avec le recul maintenant, j’ai pris conscience qu’il y avait beaucoup de composantes qui permettait de devenir un bon musicien ou de rester un amateur toute sa vie.
Cet article qui fait parti d’un « événement inter-blog » organisé par le blog « La Guitare Tous Niveaux » . Le concept de cet événement est très sympa : chaque blogueur répond par un article à une même question. Par ailleurs, ce blog, excellent complément à Maîtriser la Guitare, propose des articles intéressants comme celui ci : comment faire un bon solo de guitare ?
Être travailleur
« Je me demande ce qui ce serait passé si un beau parleur m’avait converti à la théorie des 8 heures de travail par jour (…) Je suis heureux que la journée de 8 heures n’ait pas été inventée lorsque je n’étais encore qu’un jeune homme. Si ma vie avait été faite de journées de 8 heures, je ne crois pas que j’aurais accompli quoi que ce soit. » – Thomas « on est loin des 35 heures » Edison
Bien sûr, cela peut paraître cliché ou évident pour certains. Pourtant ce n’est pas ce que vous savez mais ce que vous faites qui compte. Il est évident que travailler son instrument est absolument indispensable.
Travailler, c’est à dire ?
- Travailler beaucoup : si vous passez juste 10 minutes par semaine à faire de la musique – même sur 20 ans – vos chances d’être un bon musicien sont proches de zéro. Passer beaucoup de temps avec son instrument c’est développer une relation privilégiée avec votre medium d’expression. Il est nécessaire de passer des heures pour retenir, digérer et exploiter toute l’information. C’est également une sorte de voyage avec soi-même pour découvrir ce que l’on cherche à exprimer.
Dans une série d’articles intitulé « Martian Love Secrets« , Steve Vai écrit :
« Je faisais des transcriptions de Frank Zappa, de la guitare, aux solos de batterie jusqu’aux parties orchestrales ainsi que les scores. Le travail était plutôt intense et je me trouvais souvent à passer 10 à 12 heures par jour à écouter parfois une seule minute de musique. Je me concentrais tellement que je me sentais comme sonné dès que je m’arrêtais même une minute. Mais j’ai atteint des résultats inespérés. J’ai découvert de nouvelles façons de noter la musique, beaucoup développé mon oreille et transcrit des moments de complexité rythmique rarement atteints. » – Steve Vai
Les exemples de musiciens qui ont travaillé beaucoup sont très courants : on raconte que Charlie Parker jouait du saxophone jusqu’à 15 heures par jour ; Coltrane continuait à bosser son instrument entre deux sets d’un concert ; Sonny Rollins a refusé de jouer en public pendant 2 ans pour aller s’entraîner toute la journée sur le Williamsburg Bridge alors qu’il était au sommet de sa carrière.
Même si vous ne voulez pas devenir un professionnel de la guitare, je crois qu’il y a beaucoup d’inspiration et de leçon à tirer des personnes qui le sont : le « commitment » (l’engagement), l’implication, la détermination, et la passion.
- Travailler intelligemment : bien sûr passer des heures à tourner en rond ne servira à rien, il faut optimiser votre façon de travailler : l’objectif est de bien travailler. S’il faut du quantitatif, il faut également du qualitatif. Pour cela, vous pouvez garder en tête le principe de Pareto, vous pouvez également organiser votre routine de travail.
Ultimement il faut développer un regard auto-analytique, comme un observateur qui commente en permanence ce que vous faites : « ok, donc cet exercice, soyons honnête là je n’y arrive pas vraiment, essayons d’analyser la source du problème, est-ce ma main droite? Effectivement, je pourrai essayer d’avoir un mouvement plus efficient ici. Ok testons cela. Ma main gauche? Ah oui je décolle beaucoup mes doigts. Quelle la difficulté de ce passage? En fait j’essaye de le jouer trop vite » etc.
- Aimer travailler : Si vous vous forcez systématiquement pour bosser votre instrument, alors il faut réévaluer la façon dont vous abordez la musique. Si vous aimez travailler alors le temps passera très vite, vous serez dans l’état de « flow » tel que décrit par Mihaly Csikszentmihalyi. Ça ne veut pas dire que vous devez toujours aimer tout, ni que si quelque chose ne vous plaît pas tout de suite (solfège, exercices techniques, théorie …) alors vous ne le faites jamais. Investissez dans votre futur en faisant des choses qui ne vous plaisent pas aujourd’hui, mais qui auront un gros impact dans 6 mois, 1 an, 10 ans. On peut développer un certain amour du challenge, une appréciation des difficultés liées à une pratique exigeante.
Se connaître
« Connais toi toi-même » – Socrate
Ce point signifie plusieurs choses :
- Savoir ce que l’on veut faire comme musique : Si vous ne savez pas pourquoi vous faites de la musique, vous n’allez pas vraiment progresser (progresser par rapport à quoi finalement?) et vous risquez aussi d’arrêter passer les premières semaines de la découverte de l’instrument. Cela permet de gagner du temps aussi : vous allez focaliser votre attention sur la réalisation de certains objectifs précis. Que ça soit pour vous accompagner au chant avec 2 accords ou pour devenir le nouveau John Petrucci, vous devez avoir une idée de la direction où vous allez. Tout simplement car cela va conditionner la façon dont vous allez aborder votre travail de l’instrument : à quoi bon bosser les accords de 7è si votre but est de jouer des powerchords?
- Avoir conscience de ses points forts : avoir conscience d’eux permet de maximiser ses efforts : vous allez renforcer ce que vous faites le mieux et le plus naturellement. Passer du temps sur ses points forts permet aussi de trouver son identité de jeu.
- Avoir conscience de ses points faibles : être honnête vis à vis de ce que vous faites vraiment : est ce que c’est « tip top génial » ou au contraire est ce que vous ne devriez pas poursuivre vos efforts et continuer à bosser?
Globalement cette prise de conscience de notre réel niveau, ce « reality check » s’accompagne de différentes actions à entreprendre :
- Faire le point sur ma routine de travail : est-ce que je maximise mon temps ? est-ce que j’investis suffisamment de temps pour accomplir mes objectifs?
- Faire le point sur mes sources d’apprentissage : ai-je besoin de prendre des cours ?
- Faire le point sur ce qui marche et ce qui marche pas : quelles sont les activités qui m’ont fait progresser récemment ? Apprendre un morceau à l’oreille ou avec des tablatures mal notées ? Transcrire un solo en entier ou des petits bouts ? M’inscrire à un atelier où je joue en groupe ou rester dans ma chambre dans l’espoir de progrès fulgurants ? Travailler tous les jours ou espérer devenir un bon musicien en regardant des séries à la télé ?
Ce recul sur soi engendre :
Une véritable humilité : si l’on est pas le « maître du monde de la guitare » 🙂 alors ne perdons pas de temps à critiquer autrui, et focalisons nous sur nos propres difficultés et comment les dépasser. Vous serez tellement occupé à essayer de progresser que vous n’aurez plus le temps pour critiquer les autres.
Il permet d’accepter les critiques constructives des personnes plus avancées (comme les professeurs, les meilleurs musiciens) comme des moyens de progresser plus vite.
Il invalide les critiques des trolls : elles ne vous toucheront plus car vous saurez pourquoi vous faites de la musique – indépendamment du fait qu’un hater ait mal mangé son petit déjeuner ce matin où il a écrit un commentaire négatif sur votre musique :).
Savoir s’entourer d’autres musiciens
La musique est un partage.
Faire de la musique avec les autres entraîne, au moins, 2 choses : 1) mieux jouer et 2) progresser plus rapidement.
Si je réfléchis aux moments où j’ai le plus progressé, à chaque fois c’est lors de rencontres : un prof m’enseigne une idée qui révolutionne ma vision de l’instrument ; une occasion de jouer avec des inconnus qui me forcent à être à l’écoute et attentif ; un concert à préparer où je dois me donner à fond pour ne pas décevoir les musiciens et le public.
On disait du musicien Miles Davis qu’il était le spécialiste pour s’entourer des meilleurs : que ça soit le premier ou le second quintet de Miles, on retrouve effectivement les musiciens les plus importants du jazz du XXème siècle. Les meilleurs musiciens sont souvent ceux qui font parti d’un groupe (à peu près 90% des musiciens connus) ou qui ont reçu un apprentissage dans un groupe (pour reprendre l’exemple précédent : Vai dans le groupe de Zappa quand il avait 19 ans)
On peut se demander si ces musiciens auraient pu atteindre leur niveau exceptionnel sans jouer en groupe. Probablement pas.
Si vous restez seul dans votre chambre, vous n’allez pas sortir de votre zone de confort, vous allez non seulement avoir moins d’occasion de progresser, mais par ailleurs, vous n’allez jamais expérimenter ce que c’est que de faire de la musique avec d’autres personnes. C’est une immense source de satisfaction et quelque chose qui est difficilement remplaçable.
Le fait d’être entouré d’autres personnes qui veulent faire la même chose que vous (faire de la musique!) ou qui sont meilleurs que vous va vous pousser dans vos derniers retranchements et vous faire passer au pallier suivant. Quand vous êtes entourés de meilleurs musiciens, les limites que vous vous êtes données sont brisées.
Prenons un exemple dans un domaine différent pour illustrer cela : apprendre le japonais dans une classe en France pendant un an et passer une année au Japon où vous devez apprendre la langue. D’après vous, qui a le plus de chance d’être meilleur au bout d’une année?
Bien sûr celui qui s’est immergé dans l’apprentissage.
S’entourer de musiciens c’est provoquer l’immersion nécessaire pour accélérer l’apprentissage.
« Savoir s’entourer », que l’on soit extraverti ou introverti, si l’on veut progresser il faut arrêter de faire l’asocial :). C’est donc exercer un minimum sa capacité à interagir avec les autres. Certaines personnes le sont naturellement, d’autres pas du tout, mais c’est une compétence que l’on peut développer.
Voici donc mon point de vue sur les qualités essentielles pour être un bon musicien ! Une dernière chose avant de se quitter : j’ai volontairement choisi des qualités que l’on peut cultiver. Je n’ai pas parlé d’avoir un sens du rythme terrifiant, une oreille absolue, un vocabulaire d’accords digne d’un dictionnaire de Berklee ou de pouvoir transposer à vue un solo de Coltrane (de sa dernière période!)… j’ai choisi ces 3 qualités, car à mon sens, on peut tous choisir de développer ces qualités. Je souhaite sincèrement que ce genre d’articles soit un moyen d’aider toutes les personnes – toi qui lit cet article par exemple 🙂 – à devenir de meilleurs musiciens et qu’ils ne se découragent pas.
Dites moi ce que vous en pensez dans les commentaires !
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Terrible l’article ! Merci d’avoir partagé ça.
Merci Christophe !
c’est vrai se que tu dis
super article qui laisse à réfléchir sur sois même
Merci Guillaume !
Tellement vrai ! Et enthousiasmant. Merci.
Merci JF 😉
la messe est dite ! 😉
🙂
Me va droit au cœur et agi comme un électrochoc
Merci
Merci beaucoup pour ton commentaire qui me va aussi droit au coeur et me donne l’envie/le courage d’écrire d’autres articles !
C’est vraimant interessant cet article va beaucoup m’aider
Merci pour ton commentaire!
Merci votre article m’a redonner encore le courage de progresser et d’espérer,et je vois réaliser mon rêve d’être un meilleur guitariste international. Merci
Merci pour le commentaire! Bonne chance et bon courage dans ce super projet 🙂
Excellent article merci, cela fait du bien de recadrer la manière de travailler après avoir passé trop de temps à « flotter » en travaillant de manière random. Super site également je suis heureux de te suivre et de poursuivre mon chemin sur la guitare avec ton aide 🙂
Merci pour ton commentaire 🙂
Très motivant et réaliste merci
Merci pour ce commentaire 🙂