Dans un précédent article, j’ai parlé de l’importance du travail des gammes. Dans celui ci, je souhaite vous donner des pistes pour diversifier votre approche de ce travail.
Le but est d’approfondir votre connaissance des gammes afin que cela ait encore plus d’impact sur l’ensemble de votre jeu.
1- Métronome
Que pensez vous de l’idée de travailler vos gammes tout en devenant meilleur rythmiquement? Bref faire 2 activités en 1.
Voici quelques idées :
a- Prendre une gamme et jouer chaque note en noire. (suivre chaque clic du métronome)
b- Prendre la même gamme et imaginer le clic comme représentant le 1 et 3. (penser à ralentir le tempo également)
Ce qui donnerait :
c- Faire de même en imaginant le clic comme représentant 2 et 4.
d- Maintenant, procédez de la même façon en imaginant que le clic ne représente que le 2, le 3 ou le 4.
C’est assez déstabilisant au début mais le but de tous ces exercices est de devenir celui qui crée le tempo et de ne plus dépendre du métronome. Ce dernier n’est là que pour vérifier que tout est en place.
2- Polyphonie
Voici un concept vaste et très puissant dont les applications peuvent révolutionner votre façon de voir la guitare.
La plupart du temps on travaille les gammes de cette façon : linéairement, ou une note après l’autre. Do, Ré, Mi…
Pourquoi ne pas jouer 2 notes (voire 3 ou plus?) en même temps?
Commençons très simplement : prenez une gamme et jouez des intervalles de manière aléatoire. Certains sonneront mieux que d’autres, l’idée est surtout d’être en train d’improviser des intervalles plutôt que d’essayer de faire du contrepoint.
Par ailleurs travaillez vos gammes de cette façon va vous permettre de visualiser la gamme autrement que de manière linéaire – ce qui peut amener de belles idées en impro.
L’exemple qui précède n’est peut être pas le meilleur : il ne suit pas des règles contrapuntiques en particulier, mais montre ce que l’on peut faire en mélangeant librement des intervalles. Pour jouer cet exemple, vous pouvez le faire aux doigts ou en mixant médiator et doigts.
Si vous êtes intéressé par cette approche, je vous recommande le DVD de Gilad Hekselman sur ce sujet ou les ouvrages de Jon Damian (notamment : The Guitarist’s Guide To Composing And Improvising – un ouvrage très intéressant par ailleurs)
3- Improvisation rubato
Une fois que vous avez bosser vos gammes en rythme et de manière polyphonique, vous pouvez adopter l’approche totalement inverse : jouer librement sans rythme imposé.
Pour moi un des meilleurs dans cette approche rubato, libre, est Sylvain Luc. Bien sûr Sylvain amène cette pratique à des sommets mais à plus petite échelle, on peut tout à fait envisager de travailler ses gammes de cette manière :
-prendre une gamme et explorer librement, penser à raconter une histoire.
-prendre 2 gammes (exemple A majeur et A mineure mélodique) et décider par exemple que vous allez en jouer une, la développer, puis faire de même avec l’autre. Le but est de voir ces gammes comme des réservoirs de notes possibles.
–improviser librement en partant d’une gamme ou d’une tonalité puis développer librement sans avoir d’harmonie prédéfinie en tête. On peut y mêler polyphonie.
4- Créer des « patterns »
Un pattern est une structure ou un motif. Dans le cas des gammes c’est une façon de les organiser afin de casser la monotonie et de créer différents chemins.
Voici quelques patterns :
-jouer en tierces, quartes, quintes, sixtes…
exemple en tierces (exemple en C) : C, E, D, F, E, G, F, A, G, B, A, C, B, D, C, …
-jouer des séquences de 4 notes : C, D, E, F / D, E, F, G / E, F, G, A / F, G, A, B / G, A, B, C / A, B, C, D / B, C, D, E …
-vous pouvez prendre une gamme et y appliquer un pattern arbitraire. Puis vous pouvez décliner ce pattern sur toute la gamme. Voici le pattern 3-1-3-2, ce qui donne : E C E D, F D F E, G E G F, etc…
Ajoutez-y le jeu ascendant et descendant (monter et descendre la gamme) + les variations rythmiques et vous avez de quoi vous occuper pour quelques millénaires.
Une fois que c’est fait, le mieux est d’essayer d’intégrer ses passages dans vos impros !
Si vous voulez avoir une des « Bibles » du travail des patterns, je recommande « Serious Jazz Practice Book » (même si vous ne faites pas de jazz…).
5- Se créer des contraintes
Voici un exemple moyen de « forcer » la créativité : s’imposer des contraintes. L’idée est se pousser dans nos retranchements afin de trouver des idées uniques et peu exploitées.
Par ailleurs, ces contraintes peuvent être très ludiques donc abordez les plus comme des jeux que comme des exercices.
Voici quelques idées, mais libre à vous de trouver vos propres contraintes :
–jouer sur une corde : voici un exercice tiré de « The Advancing Guitarist » de Mick Goodrick. Le principe est simple : jouer une gamme sur une corde. Au premier abord, on ne voit pas trop l’intérêt, mais gardez ceci en tête :
-la guitare est un instrument où les notes sont placées de façon horizontale, pourtant la plupart du temps nous jouons de façon verticale (en sautant des cordes). …vous me suivez? 🙂
Il y a beaucoup à apprendre à suivre la nature même de notre instrument.
-c’est un excellent moyen de phraser différemment, notamment avec des slides.
-imaginez que vous maîtrisez une gamme sur une corde, puis sur une autre corde. Puis les deux ensemble. Tout d’un coup un monde de possibilités s’ouvre à vous. Imaginez faire de même avec les 6 cordes !
–jouer sur 2, 3, 4 cordes dans un espace de 2, 3, 4, 5 cases.
-dans le même ordre d’idées, vous pouvez casser vos schémas habituels (3 notes par cordes…) en essayant de restreindre votre champ d’action : vous pouvez ainsi essayer de jouer une gamme dans une zone restreinte du manche.
Aussi contre-intuitif qu’il n’y paraît, s’imposer des mini-contraintes est un excellent moyen pour être plus libre sur le manche.
6- Travailler les dynamiques
Voici un aspect oublié des guitaristes : les nuances du jeu. Vous pouvez décider de jouer vos gammes en les jouant avec le niveau sonore le plus faible possible (pianissimo) puis le plus fort possible (forte) – et toutes les variations entre les deux.
Apportez des nuances va considérablement diversifier votre jeu avec très peu de moyen. Il suffit de varier l’intensité de ce que vous savez déjà joué et vous vous ouvrez alors une infinité de nouvelles couleurs ! Il suffit d’y penser.
Vous pouvez aussi commencer une gamme pianissimo puis de monter progressivement forte, ou inversement… et à peu près toutes les combinaisons entre. Avoir cette approche vous donnera un côté plus « saxophonistique » :). Effectivement les saxophonistes (ou les soufflants en général) sont les maîtres du travail des dynamiques, ce qui explique pourquoi le saxophone est un instrument plus expressif (en termes de nuances du moins) que la guitare (désolé les guitaristes, mais c’est vrai!).
Voilà donc plusieurs pistes pour travailler vos gammes sans vous endormir en cours de route :).
Plus le temps passe et plus je me rends compte de toute la richesse que l’on peut tirer de la pratique des gammes… mettez en pratique une ou plusieurs idées dans votre prochaine session de travail, et partagez dans les commentaires vos meilleures façons de bosser les gammes !
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