Comme vous le savez le guitariste adore se focaliser sur les solos, pourtant 80% de son temps se passera à accompagner les autres solistes ou un chanteur. C’est la raison pour laquelle je vais vous donner quelques pistes pour travailler le comping. Je vous fournis aussi l’audio à travers une vidéo afin d’appuyer mes propos.
Avec cet article, je participe à la rencontre des blogueurs organisée par Xavier Rogé de l’excellent blog batteurpro. Son blog est une mine d’information pour les batteurs (je vous invite à aller lire notamment l’article sur la transcription de Bill Stewart, ce dernier étant un des meilleurs batteurs de tous les temps et surtout très présents dans les disques de trio de guitare — j’en parle d’ailleurs dans cette vidéo).
La thématique de cette rencontre est la suivante : rythme et variations. Pour cela, j’ai décidé d’aborder le très important sujet du comping. Le comping c’est l’art d’accompagner, la plupart du temps avec des accords mais pas seulement. C’est un terme qui est surtout utilisé dans l’univers du swing et du jazz, et on va se concentrer là-dessus par ailleurs. Il y a deux éléments importants dans cette compétence à garder en tête : être très solide rythmiquement et pouvoir varier.
En effet, le rythme prime, peu importe la qualité de votre voicing, c’est surtout son placement qui compte. Par ailleurs, rien de pire pour l’accompagnateur que de tourner en rond avec le même accompagnement sur tous les standards.
Je suis donc parti d’un rythme très simple et j’en ai fait quelques variations en m’inspirant de ce qu’un batteur pouvait faire comme accompagnement sur sa caisse claire (cf. The art of bop drumming de John Riley par exemple).
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Voici les 5 exemples en vidéo :
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Exemple 1 :
C’est un rythme très simple pourtant le fait de placer le métronome sur 2 et 4 corse un peu les choses si vous ne l’avez jamais fait. La croche en l’air peut être plus ou moins « retardée », donc il faut expérimenter aussi de ce côté là. Si vous débutez dans le comping et le fait d’accompagner dans un contexte swing, alors voici une suggestion : essayez d’accompagner entièrement un standard en suivant ce rythme. Commencez à 50 bpm puis essayez de monter à 60, 80 voire 100. Vous allez développer une certaine rigueur rythmique et surtout sentir la croche en l’air, essentielle pour l’accompagnement dans le jazz.
Vous pouvez aussi expérimenter avec le médiator ou les doigts pour l’accompagnement. Effectivement, il est assez inhabituel d’accompagner seulement avec les doigts comme je le fais, mais je préfère le son et le contrôle que cela procure.
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Exemple 2 :
Cet exemple est une variation du premier. Cela peut vous donner des idées pour varier un comping, simplement en rajoutant une note (ou un accord). Juste en gardant ce rythme, vous pouvez expérimenter et voir comment chaque croche en l’air (le « et ») va sonner. Vous pouvez aussi tester la longueur des notes, ici, tous les coups sont courts. C’est à mon sens une donnée très importante du comping : être capable de contrôler la durée des notes. Souvent un coup sec aura un effet rythmique de bien meilleur effet qu’un coup dont on ne sait pas trop quand est ce qu’il va s’arrêter :).
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Exemple 3 :
Ce rythme cherche à être une mélodie en soi, par là je veux dire que même sans accord, le rythme « chante » par lui-même. C’est à mon sens, une des caractéristiques des bons compings à la batterie. Ici on éviter de jouer sur le 1 pour la première partie du rythme. Vous pouvez tenter de jouer aussi au médiator, ça peut très bien sonner.
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Exemple 4 :
Dans cet exemple, on a une phrase qui s’étale sur les 4 mesures du II V I, sans aucune répétition. Le F7 est anticipé sur le « et » du 4 de la mesure précédente, et le BbMaj7 est également anticipé sur la mesure d’avant. Ce « et » du 4 est fondamental dans l’accompagnement. Il permet de briser la lourdeur du « 1 », qui, si on a tendance à le jouer systématiquement, va alourdir tout accompagnement. Comme vous pouvez le constater ici, le « 1 » est évité. Dans cet exemple, il y a aussi un mélange entre note courte et note longue.
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Exemple 5 :
Cet exemple est une façon un peu plus avancée de penser son comping. Le but est de superposer un 3/4 sur un 4/4 afin de donner un effet polyrythmique. Le rythme inspiré d’un 3/4 est le suivant :
Ce rythme est ensuite simplement décliné sur le reste de la séquence en 4/4. La difficulté est de changer ou d’anticiper l’accord au bon moment. Comme vous pouvez le constater, au bout de 3 cycles de 4 mesures du II V I, on recommence le cycle.
En conclusion, je dirai que tout comping essaye d’appliquer une « règle » que l’on retrouve en musique à savoir instaurer un tempo tout en apportant de la variété. Pour le guitariste, écouter la caisse claire (il n’y a pas que la caisse claire d’ailleurs) des batteurs bebop est une source d’inspiration sans limite pour parfaire son comping. Cela peut être une idée de transcription à faire. Enfin, je vous invite à écouter 2 maîtres du comping : Jim Hall et Lage Lund, ces guitaristes et les batteurs de bebop, vous donneront des années de travail et d’inspiration devant vous.
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Merci pour cet article également très intéressant pour la pianiste classique que je suis. Je me mets depuis quelques années à la musique actuelle et justement ne pas jouer sur le « 1 » est un sacré challenge pour moi ! Mais compter compter compter m’aide beaucoup.
Bref je vais essayer ces rythmes.
Salut Marie-Cécile, et merci pour votre commentaire. Effectivement ces rythmes fonctionnent pour tous les instruments :).
Où j’ai le plus de difficulté au niveau du comping c’est sur les ballades, surtout quand on joue en duo (2 guitares, guitar/sax ou avec un(e) chanteu(r)se)
Garder le tempo, ne pas accélérer, remplir les vides, les silences quand les thèmes des standards possèdent peu de notes avec des tempos très lents.
Par exemple, que ferais-tu comme exemple d’accompagnement pour remplir les espaces sur des ballades très lente tels que « misty » « blue in green » « my funny valentine »….Une vidéo là-dessus serait super et à mon avis très utile.
Ok je note, tu me donnes beaucoup d’idées :). Merci
Tu peux :
-arpéger les accords
-jouer des single-notes ou des petites phrases en contrepoint avec le soliste. Ça peut marcher, il faut être très solide niveau rythme.
-relever ce qu’un pianiste ou un guitariste fait en comping sur une ballade (peut être le meilleur truc à faire)
-varier rythmiquement (par exemple triolet de noire)
Mais ce qui marche (et qui est assez difficile à faire), c’est d’essayer de varier ces techniques en tenant le tempo, et en étant en interaction avec le soliste.
Pour les chanteurs, à mon avis une pompe swing lente très simple peut suffire.
Merci pour ces différentes pistes de travail 😉