Injecter de la Red Bull dans votre motivation? (pour guitariste ambitieux(-se) mais déprimé(e))

Dans cet article, je vais vous montrer comment retrouver votre motivation pour pratiquer la guitare et comment prendre plus de plaisir tous les jours avec votre instrument.

taureau rouge
*Je ne suis pas associé à la marque, et à vrai dire je recommande plutôt la consommation d’eau ou de jus de pamplemousse.

Ça arrive à tous les guitaristes :

  • Vous avez de grands rêves (devenir bon à la guitare… par exemple),
  • Vous mettez en place un programme digne de Steve Vai pour atteindre cet objectif en vous disant que vous allez travailler comme un ***bip***,
  • Parfois vous êtes motivé, mais la plupart du temps, vous êtes frustré, du coup prendre votre instrument est devenu un petit challenge quotidien,
  • Pourtant vous adorez la guitare. Mais voilà, même si vous prenez une Red Bull* le matin pour vous motiver, il y a toujours un “petit quelque chose” qui vous bloque une fois sur deux.
  • Vous doutez — de vos progrès, de votre talent, du guitariste d’à côté qui est meilleur que vous « naturellement ».
  • Bref, vous en avez marre de vous prendre la tête au lieu de jouer !

(Rien que d’écrire tout cela, je me rends compte que les guitaristes aiment vraiment se prendre la tête).

Ça m’est déjà arrivé, et pas qu’une fois, mais au fil des ans, j’ai trouvé plusieurs façons de contourner tout cela et même d’en faire une force (je vous explique ça à la fin).

Il y a plus d’un an, j’ai écrit un article qui parle aussi de ce sujet, alors pourquoi en écrire un autre?

1) C’est un sujet très important car il est au coeur de la pratique de la guitare.

2) J’apprends toujours sur ce sujet, et j’ai découvert de nouvelles choses depuis (ou sous un angle un peu différent)

3) C’est un article qui s’adresse surtout aux guitaristes qui se destinent à vivre de leur passion ou qui ont envie de repousser leurs limites.

Mais il y a une chose à comprendre : le progrès à la guitare est possible grâce à vos actions quotidiennes. Arriver à se motiver chaque jour est donc ce qui va vous mener là où vous voulez.

À la lecture de cet article, vous allez comprendre un peu mieux ce qu’il se passe dans votre tête et avoir quelques trucs en plus dans votre boîte à outils.

Dernière chose avant de rentrer dans le vif du sujet : ici, pas de recette miracle. Ce qui suit ne vous aidera que si vous vous aidez vous-même.

Le succes

Comment un hongrois au nom imprononçable va tout changer pour vous

Quel est le problème des guitaristes? En une phrase : oublier le processus et ne se focaliser que sur les objectifs.

Si vous avez lu quelques articles de ce blog, vous savez que selon moi les objectifs sont très importants car ils donnent une direction. Atteindre l’objectif est moins important que d’avoir une direction.

Mais ce qui compte c’est de trouver l’envie de pratiquer la guitare tous les jours. Pourquoi ? C’est tout simplement la prise d’actions quotidiennes qui permet d’atteindre, ou de se rapprocher de ces objectifs.

Mais imaginons un autre scénario : que se passerait-il si vous oubliiez tous les objectifs, toutes les contraintes, toutes les frustrations, pour ne vous focaliser que sur… le fait de jouer?

Au final, c’est ce qu’on cherche, non?

Il est vrai qu’à force de rajouter des exercices, des gammes, des arpèges,… on en vient à oublier de jouer.

Imaginez prendre votre guitare, commencez pour ne vous arrêter que 2 ou 3 heures après sans avoir vu le temps passer? Durant ce temps, vous vous êtes éclaté malgré les choses que vous ne maîtrisiez pas tout à fait et probablement tout en progressant.

Qu’est-ce qu’il se passerait si on oubliait un peu notre quête du résultat pour ne se focaliser que sur le process?

C’est tout le travail qu’a mené Mihály Csíkszentmihályi (ça se prononce Mi-Hai Tchik-cente-mi-hai, vous aurez au moins appris quelque chose aujourd’hui 🙂 ), un psychologue hongrois qui a effectué une étude scientifique sur le bonheur et qui est connu pour ses ouvrages sur la créativité et le « flow« .

Mihaly C
(c) Mihaly Csikszentmihalyi

Le « flow » (« flux » littéralement… mais « flot » aussi en fait) c’est quoi?

Csíkszentmihályi le décrit en 7 étapes :

1. Être concentré et donc absorbé par une activité.

2. Un sentiment d’ « extase » : en dehors de la banale réalité.

3. Une grande clarté intérieure.

4. Le fait de savoir que nous pouvons effectuer cette activité : la tâche est à notre portée. Elle n’est ni trop facile, ni trop difficile.

5. Une sérénité.

6. On ne voit pas le temps passer.

7. Une motivation interne.

Un des éléments les plus intéressants ici est le point 7 : car souvent on a tendance à mélanger les motivations externes et les motivations internes.

Qu’est-ce que cela signifie ?

motivations externes : c’est ce que l’on fait pour les autres, jouer plus pour quelqu’un que pour soi ; faire de l’esbroufe avec des super plans alors qu’en fait… ça ne nous branche pas des masses; jouer parce que l’on croit que les gens vont plus nous aimer après, etc.

motivations internes : jouer pour le fait de jouer ; jouer parce que même si personne n’écoutait on le ferait quand même ; travailler sa technique pour le plaisir de le faire et non pour impressionner Jean-Michel au prochain boeuf; jouer ce que l’on veut jouer indépendamment des critiques ou de ce que les gens attendent.

Vous l’aurez compris, les motivations externes ont tendance à nous dégoûter de la pratique de la guitare, alors que « les motivations internes » rendent la pratique agréable.

Plutôt que de se focaliser sur le résultat ou sur des motivations externes, je vous invite à redéfinir pour vous-même vos motivations internes quotidiennes :

  • Qu’est-ce qui va me donner envie de prendre la guitare tous les jours ?
  • Quelles sont les motivations vraiment profondes qui vont me donner la patate et le courage de recommencer tous les jours?

(Je vous invite à faire pause, faire un tour dans le quartier, prendre un papier et mettre ça au clair, autrement vous allez lire cet article mais rien ne va changer)

Vous êtes de retour?

Même si vous avez des objectifs sur le long-terme, vous ne pouvez pas faire l’impasse sur le quotidien.

Ce qui va vous mener au long-terme ce sont les petites actions quotidiennes répétées.

Qu’est-ce qui va se passer si vous prenez un maximum de plaisir et si vous êtes dans le « flow » tous les jours?

Vous allez apprécier le processus plus que le résultat, vous allez rendre agréable chacune de vos pratiques, vous allez passer de bons moments.

Que demander de plus?

Une nouvelle façon de pratiquer la guitare ? (comment faire concrètement)

Bon, c’est bien joli tout ça. Mais comment faire concrètement?

Avoir des objectifs sur le long-terme c’est super. Vraiment. Ça donne une direction, ça permet de faire des priorités dans ce que l’on va faire, et du coup de ne pas trop s’éparpiller. Cependant le problème des objectifs sur le long terme c’est qu’ils paraissent souvent difficiles à atteindre et donc frustrants. « Comment vais-je y arriver? »

Le truc c’est de ne pas (trop) y penser et de se focaliser sur les actions quotidiennes. Mettre votre énergie au jour le jour et de ne se focaliser sur le résultat.

Je sais que c’est facile à dire… mais si vous gardez ça en tête, vous allez vous étonner.

Une des premières choses à accepter c’est que la motivation sur le long terme ça ne fonctionne pas.

Ne vous êtes vous jamais dit que vous alliez révolutionner le monde de la musique, que vous alliez travailler 10 heures par jour la guitare, que vous alliez bouffer de l’exercice pour finalement redescendre sur terre… le jour d’après.

Tout le monde est passé par là.

Être motivé tous les jours, c’est juste impossible. Plutôt que de viser les 100%, viser les 70-80%.

Pour faciliter vos activités quotidiennes, la meilleure chose à mettre en place ce sont les habitudes. J’en ai déjà parlé dans un autre article. Vous pouvez aussi lire des bouquins pour savoir comment mettre en place des habitudes et pourquoi c’est important, il y en a pleins, le plus connu c’est « Power of Habits » :


(ne vous fiez pas au côté cheesy du titre, le bouquin est très bon)

Mais la question qui se pose ici c’est comment combiner les habitudes et le flow?

Un problème quand on commence à vouloir intégrer le flow dans son travail c’est tout simplement que ça n’a pas l’air d’être compatible avec le fait de travailler plusieurs choses à la fois. Que faire si vous voulez progresser en rythme, oreille, composition, accords, impro…?

Concrètement :

commencer par ce qui est le plus important pour vous et essayer de vous y plonger.

Cela peut être de bosser votre morceau préféré, travailler quelque chose qui est challenging mais qui vous plaît. Si vous êtes guitariste de jazz, ça peut être simplement de travailler votre répertoire et de bosser l’improvisation sur le morceau du jour. Si vous êtes compositeur, ça sera de bosser sur la compo du moment, si vous êtes guitariste dans un groupe, ça sera de bosser les parties importantes du moment. Bref, vous savez mieux que moi.

Commencez par cette chose et plongez vous y véritablement.

Vous vous arrêtez quand vous en avez assez. C’est tout.

Une petite règle importante à suivre : prenez quelque chose qui n’est ni trop difficile, ni trop facile. Ni trop difficile, car vous allez vous épuiser, ni trop facile, car vous allez vous ennuyer.

Pour voir l’effet de cet exercice, chronométrez vous mais ne le regardez pas avant la fin.

-Une fois que c’est fait, vous êtes libéré de la tâche la plus importante, du coup, vous pouvez opter pour des thématiques secondaires qui vont vous aider dans votre objectif principal, par exemple, travailler vos gammes, votre technique, revoir la théorie, tenter de nouvelles choses…

Ici dans la mesure du possible, essayez de reproduire les conditions du flow (voir les 7 points cités plus haut par Csíkszentmihályi). Reproduire les conditions du flow de manière artificielle est problématique (ex. N°3, vous n’allez pas pouvoir vous dire « 1, 2, 3, j’ai désormais une grande clarté intérieure« …!).

Cependant, vous pouvez vous demander a posteriori si vous vous rapprochez de ces caractéristiques. Si c’est le cas, bravo, continuez. Dans le cas contraire, analysez les perturbations.

Dans la mesure du possible, il « suffit » de se laisser porter par la vague. Parfois, une chose simple comme le fait de ne penser qu’à la séance du jour et non à vos objectifs dans 10 ans peut vous libérer.

Pour faciliter le flow :

  • Pensez à prévoir à l’avance ce que vous allez travailler tout en laissant une marge de manoeuvre afin d’éviter d’être trop restrictif (ce qui casse un peu le flow).
  • Autre astuce que j’utilise depuis des années : Commencer par la tâche la plus importante en lançant un chronomètre plutôt qu’une alarme. Pourquoi? J’essaye de m’y plonger le plus longtemps possible sans avoir une alarme qui pourrait ruiner le flow. Si je suis limité en temps, je peux mettre une alarme au bout d’une heure ou deux en parallèle. Ça me permet de connaître le temps que je passe sur une tâche. Si vous devez travailler sur différents projets en même temps (par exemple vous êtes étudiant en école de musique), il faut aussi avoir une alarme afin de passer au projet suivant. Si vous n’avez pas de contrainte de temps, le chronomètre permet de savoir combien de temps vous avez bossé.

Souvent je fais tourner un chronomètre (pour info, j’utilise InerziaTimer qui est gratuit) et une alarme (j’utilise Chronoslider, la version gratuite me suffit) en même temps. Ok, ça fait geek, mais ça permet d’organiser son temps tout en cherchant à être absorbé dans la pratique. Bref, savoir le temps que l’on passe sur une tâche sans voir le temps passer.

Le résultat de tout ce processus : Ne plus avoir besoin de prendre une Red bull* tous les matins pour se motiver. Prendre plus de plaisir. Construire chaque jour afin de progresser de manière régulière tout en prenant du plaisir et appréciant l’effort.

Vous échouez ? Réjouissez-vous.

Jusqu’à présent cet article a surtout parlé de la façon dont vous pouviez retrouver plaisir dans la pratique de la guitare, mais que se passe-t-il vous trouvez que malgré le plaisir (ou l’absence) vous ne progressez pas? Comment se fait-il que vous bloquez sur la même difficulté depuis des mois?

Que faire si vous vous dites que vous n’êtes vraiment pas doué? Que « ça prend plus de temps » que votre voisin ou votre petit neveu qui a commencé la semaine dernière?

Que faire si vous ratez le concours d’entrée au conservatoire (ça m’est arrivé!!) ou un examen (ça m’est arrivé!!)? Que faire si, finalement et malgré vos efforts, ça ne décolle pas?

Bien évidemment, difficile de répondre sans vous connaître…

Sur ce blog, dans les articles, vous avez déjà eu des éléments de réponse. Ça peut venir de votre manque de travail, du fait que vous ne travaillez pas de façon optimale, etc. Néanmoins, je voulais vous parler d’un élément qui malheureusement manque à beaucoup de monde. (« Malheureusement » car imaginez si tous ces musiciens persévéraient. Probablement que nous aurions de choses magnifiques à nous mettre dans les oreilles…)

Je dirai que dans 90% (je suis gentil) des cas, la raison pour laquelle les gens n’obtiennent pas les résultats escomptés en musique, c’est tout simplement qu’ils abandonnent avant.

Le rapport entre Kobe Bryant, un empereur romain et Django Reinhardt

Pour ceux qui ne connaissent pas Kobe Bryant, c’est un basketteur qui a marqué toute une génération de fan de NBA. Il y a un documentaire fascinant sur lui qui s’intitule « Kobe Bryant’s Muse » (regardez le, il est exceptionnel). Dans cette vidéo, on retrace son parcours et notamment ses blessures. Au début du documentaire, on assiste à une scène où il glisse et où il se déchire le tendon d’Achille. Pour un athlète c’est souvent le signe d’une fin de carrière anticipée ou d’une longue période de convalescence. Comment un athlète adulé et au sommet de son art peut-il réagir face à ces difficultés?

Kobe Bryant 24
crédit photo (c) Cliff

Alors que l’accident a eu lieu il y a quelques minutes à peine, une conférence de presse improvisée se tient dans les vestiaires. Inévitablement un journaliste lui demande ce qu’il va se passer pour lui, son avenir d’athlète. La réponse de Kobe(-wan kenobi) : « cet accident, ça me nourrit déjà » …!

Au lieu de se lamenter, Kobe Bryant voit déjà cet événement comme un moyen d’avancer.

Plutôt que de baisser les bras, il va utiliser ce qui lui arrive pour aller encore plus loin.

Plutôt que de renoncer, il se sert de cet obstacle pour rebondir.

Quelques années après l’incident, en 2016, Kobe Bryant joue son dernier match en marquant… 60 points. Pas mal pour quelqu’un qui devait s’arrêter quelques années plus tôt.

Le rapport avec la guitare?

Cet épisode avec Kobe me fait penser à une citation de Marc Aurèle, empereur romain, philosophe à ses heures perdues : « Nos obstacles vont avancer nos actions. Ce qui se dresse contre nous devient la voie. »

On a des exemples de guitaristes qui ont utilisé les obstacles qui se présentaient à eux pour avancer :

Allan Holdsworth voulait jouer du saxophone, mais n’ayant pas les moyens de s’en offrir un, il se rabat sur une simple guitare… pour changer la façon dont on joue de la guitare. Pas de chance pour lui mais quelle chance pour nos oreilles.

Un autre exemple ultra connu : Django Reinhardt perd 2 doigts dans l’incendie de sa roulotte. Qu’a-t-il fait ? Il n’a pas baissé les bras. Il a réinventé la façon de voir ses phrases, et il a bouleversé la musique, au point où des milliers de guitaristes essayent ou ont essayé de l’imiter. Certains guitaristes (comme Bireli Lagrène) ont même essayé d’imiter… son handicap afin de se rapprocher un peu plus du maître.

Les doigts de Django

La plupart des challenges qu’ont les guitaristes sont bien moins importants que l’handicap de Django. Bien sûr vous allez me dire « oui mais Django était un génie ». Certes, mais sa volonté de continuer en dépit de son handicap n’a rien à voir avec son génie musical : comme Kobe Bryant et tant d’autres, ils ont décidé de jouer malgré les obstacles — plus encore, grâce à eux.

Réussir à faire quelque chose malgré les difficultés est tout à fait respectable. Réussir grâce aux difficultés, c’est le véritable génie.

Ici ce n’est ni une question de talent, de don, de capacités hors du commun, ou de pouvoirs magiques… ces personnes ont fait le choix d’avancer en dépit des difficultés.

Que reste-t-il à faire? S’inspirer d’eux — et peut être, un jour se rapprocher d’eux. Ce n’est pas facile, c’est même extrêmement difficile, pourtant ces exemples montrent que c’est possible.

Pourquoi pas vous?

Si vous ne réussissez pas à jouer comme vous le voulez aujourd’hui, faites le choix d’utiliser les obstacles qui s’offrent à vous, peut être que c’est à travers eux que vous allez briller le plus.

 

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