Voici la suite de l’article sur l’improvisation, je vous invite à lire la première partie afin de bien comprendre ce qui va suivre :).
Dans la première partie, on a abordé la question des gammes pentatoniques, de modes et de la notion de tonalité (points 1, 2, 3). Sans plus attendre voici la suite !
4. Apprendre les arpèges.
Quand nous parlons d’arpèges, cela ne veut pas dire prendre les accords ouverts en haut du manche (même si on peut le faire) et les arpéger. Mais plutôt connaître les arpèges majeur 7, mineur 7, dominante, mineur 7 bémol 5.
Qu’est ce que ça veut dire concrètement ? Prenons Do Majeur 7, il est composé des notes C, E, G, B. Un arpège consistera dans le fait de jouer les notes de cet accord l’une après l’autre, plutôt qu’en même temps. Pour cela, il faut apprendre les arpèges comme on apprend les gammes. Un bon point de départ, c’est de connaître les arpèges en partant de la corde de E et de A.
Une fois les arpèges sus, il faut pouvoir les mélanger à nos improvisations modales et tonales. Plus généralement, tout ce que vous apprenez « s’ajoute » à ce que vous savez déjà faire. Vos plans pentatoniques ne sont donc à proscrire.
5. Apprendre à jouer la grille d’un morceau seulement avec des arpèges.
Le terme « grille » désigne l’ensemble des accords d’un morceau.
Prenons un II V I en Do. Le premier accord sera Dmin7, sur cet accord vous improviserez déjà avec les notes de cet accord à savoir D F A C. Ce qui donne déjà quelques possibilités : D F A C, C A F D, F A C D… etc. Puis sur le second et troisième accord, vous procéderez de la même façon.
Le bénéfice de cette approche c’est que vous allez « décrire » l’harmonie du morceau de manière précise. Globalement pouvoir décrire un accord par les arpèges est indispensable pour faire du jazz et indispensable aussi pour tous les musiciens improvisateurs. Vous pourrez jouer ce morceau sans qu’un autre musicien vous accompagne car vous allez directement pouvoir spécifier de quelle grille il s’agit.
Avec la pratique, quelqu’un peut jouer simplement des arpèges et vous pouvez dire « il s’agit d’un blues », « il s’agit de la grille d’All the things you are », etc. même s’il ne joue pas toutes les notes des arpèges.
6. L’importance des tierces et septièmes.
Dans les arpèges certaines notes seront plus importantes que d’autres. À ce titre la tierce et la septième donnent des informations clés sur la nature de l’harmonie.
Pour comprendre cela :
prenons C majeur 7 : C E G B
et C mineur 7 : C Eb G Bb.
Si nous jouons C et G (tonique et quinte) sur les 2 accords, nous n’allons pas « spécifier » la nature de l’accord.
Une fois les tierces et septièmes de vos accords bien connus, il est possible de « relier » ces tierces et septièmes pour créer des passerelles entre ces accords. Pour reprendre l’analogie du langage, placer les tierces et septièmes, c’est comme indiquer le sujet et le verbe dans vos phrases. On comprend l’essentiel mais le reste des notes seront comme des adjectifs, adverbes et autres compléments d’objets pour enrichir vos phrases.
Pourquoi parlons-nous des tierces et septièmes APRÈS les arpèges alors qu’ils sont contenus dans les arpèges?
Au début, un guitariste va avoir pour challenge premier de repérer et d’apprendre les arpèges. Il faut les « mettre sous les doigts », et globalement, c’est un challenge en soi. La plupart des guitaristes ne connaissent pas les notes du manche quand ils commencent à se familiariser avec ces problématiques.
Nous considérons qu’apprendre ces notes en parallèle est une excellente chose. Ainsi, on peut procéder de la sorte :
-apprendre les notes du manche de la guitare
-apprendre la « forme »/le doigté de l’arpège
-renforcer sa connaissance de l’arpège en chantant et en se focalisant sur les notes
-apprendre la nature des notes : tonique, tierce, quinte, septième afin de parfaire sa connaissance de ces arpèges.
Ce sont des étapes qui prennent du temps, donc ne vous découragez pas.
7. Jouer les extensions des accords
Bien jouer les arpèges des accords constitue déjà un gros travail, et surtout c’est très formateur. Si vous avez cela d’acquis, alors vous êtes déjà sur la bonne voie pour être un improvisateur éclairé.
Afin de rajouter d’autres couleurs, il est nécessaire de connaître les extensions des accords : ce sont les notes qui fonctionnent en dehors des notes de l’accord.
Prenons l’exemple de C Maj7 qui contient les notes : C E G B. Si je joue une de ces 4 notes sur cet accord, cela va évidemment fonctionner. Mais je peux rajouter 3 « extensions » en plus : la 9ème (D), la #11 (F#), et la 13ème (A).
Voici les extensions que l’on peut rajouter sur chaque type d’accord :
Maj7 – 9, #11, 13
min7 – 9, 11
Dominante7 – 9, 11 (devient sus4), 13, mais également b9, #9, #11, b13 si l’accord est altéré
min7 b5 – 11, b13
Tout cela reste théorique : par exemple, la #5 est une tension que l’on retrouve de plus en plus sur accord Maj7. Il y a aussi d’autres tensions possibles (par exemple la 9 naturelle sur un accord min7b5), mais tout d’abord il faut se familiariser avec les extensions les plus communes.
Mais dans un premier temps, on peut se familiariser avec ces couleurs de 2 façons :
-les rajouter à nos accords.
–enregistrer un accord (par exemple C min7) et jouer les extensions par dessus : D puis F dans un premier temps. Puis tenter la 13. La b13 est liée au mode éolien, et fonctionnera surtout en note de passage. (le demi ton avec la quinte ne risque pas de faire bon ménage)
8. Comprendre la notion de « chord-scale »
Une fois l’harmonie définie par les arpèges, il est possible d’intégrer la notion de « chord-scale ». (comprendre : « gamme liée à un accord »)
Qu’est ce que c’est ? C’est tout simplement une gamme que l’on peut jouer sur un accord.
Exemple : C majeur 7, nous pouvons jouer C D E F G A B. Toutes les notes ici fonctionneront, sauf peut être F (la quarte, et encore en note de passage, elle sonnera très bien), car elle va créer une dissonance avec le E (demi-ton).
Quel est l’intérêt des chord-scales? Elles sont parfaites pour créer les passerelles dont on parlait juste avant.
En réalité, connaître les arpèges et les extensions est équivalent à l’approche par « chord-scale ». Seule l’organisation de l’information est différente.
Par exemple :
CMaj7 + extensions : C E G B, D F# A
chord-scale C Maj lydien :
C D E F# G A B
Laquelle est meilleure ? Aucune. Les deux sont utiles et sont à connaître.
Voici une technique très puissante pour créer des solos mélodiques : utiliser les notes d’accord (surtout tierce et septième donc) comme point de départ et d’arrivée, puis utiliser les notes en plus du chord-scale comme transition.
Alors bien sûr vous n’allez pas faire uniquement cela de manière systèmatique, car vous serez ultra prévisible. Mais c’est un excellent exercice qui va rendre vos improvisations très solides.
L’autre intérêt des chord-scales c’est que vous allez pouvoir superposer différentes gammes sur un même accord. Par exemple sur C majeur 7, il est courant de jouer la gamme de Sol : vous aurez donc un F# en plus. On appelle ce mode le mode lydien. L’avantage est double : vous éviter le F qui ne fait pas bon ménage avec E et vous jouer le F#, qui va donner une couleur un peu mystérieuse à votre accord.
Autre exemple : sur un accord de 7ème de dominante, on peut jouer une gamme mixolydien, mixolydien #4, altéré, diminué, et tant d’autres possibilités !
9. Ajouter de la tension sur les accords
Jusqu’à présent vous avez voulu jouer « in », c’est-à-dire « dans » les accords. Avec la notion de « chord-scale », vous allez vouloir ajouter à cela des dissonances pour créer du contraste. Elles seront dissonantes au début mais rapidement elles ne seront que des couleurs comme la couleur de la tonique ou de la 9ème.
Quand on débute l’improvisation, on a tendance à croire que les notes « fausses » sont des accidents pour les improvisateurs. En réalité, c’est totalement calculé et voulu. Globalement avec ces chord-scales vous allez structurer vos dissonances.
Une leçon importante à retenir : jouer avec conviction fera bien sonner n’importe quelle note (que ça soit la tonique ou la note la plus dissonante possible). L’intention est plus que recommandée, elle est indispensable.
Certaines de ces notes seront plus ou moins surprenantes : par exemple la b13 (ou la quinte augmentée) sur un accord de dominante, ou encore la b9, ou la #9 donneront une couleur très particulière à vos accords de dominante.
10. Globalement ici vous avez les outils principaux pour improviser :
Après, vous pourriez creuser un système ou vous décidez de tout oublier et de ne jouer qu’à l’oreille. Ou un peu des deux.
Il y a d’autres concepts comme
-la gamme diminuée
-la gamme par ton
-les modes du mineur mélodique et harmonique
-les triades (majeure, mineure, diminuée, augmentée, sus4) comme super-structure des accords
-et tant d’autres choses!
Ces concepts (la plupart du temps) renvoient à des concepts déjà vus auparavant mais les organise différemment (par exemple les triades ce sont des extensions des accords vus sur les points 6 et 9)
Parallèlement :
-Il faut travailler son sens du rythme.
Pour vous donner une analogie : travailler son rythme est aussi indispensable pour le musicien que de respirer pour un être humain. Tout le monde préférera quelqu’un qui joue des notes dissonantes mais un sens du rythme infaillible que quelqu’un qui aura des phrases aussi harmoniquement recherchées que Kurt Rosenwinkel mais qui n’aura aucun sens rythmique.
Ne pas travailler son rythme revient à écrire sans point, ni virgule, ni majuscule, sans grammaire, avec des fautes d’orthographe, … voire pire.
–Relever des phrases à l’oreille :
Vous aimez Wes Montgomery? Vous pouvez lire tous les textes du monde sur ce guitariste, mais rien en vous apprendra plus sur son jeu (et peut être sur lui) que de relever une phrase, c’est à dire de repiquer à l’oreille et de jouer cette phrase. Il y a énormément de paramètres sur lesquels vous allez progresser grâce aux relevés : rythmique, harmonique, mélodique, rythmique.
Vous avez des phrases d’impros sans imagination? Faites des relevés.
Vous avec des phrases qui ne swinguent pas? Faites des relevés.
Vous voulez savoir comment jouer sur une grille simple ou complexe? Faites des relevés.
–Écouter de la musique : Plus vous allez écouter un artiste, plus vous allez sonner comme lui. Même si vous ne le transcrivez pas. Il est certain que d’écouter qu’un artiste en boucle va plus vous influencer que de relever une seule phrase de lui.
Voilà c’est la fin de ce mini-guide pour commencer à improviser, il y a encore beaucoup à dire et à faire, mais maintenant que vous avez une base, prenez chaque point et approfondissez les un à un. Vous trouverez d’autres articles (présents ou futurs) sur ce blog pour vous aider dans cette aventure !
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